24 Juillet 2019
Episode 1 - DE DONDE SON ?



 

« De donde son ? »

Voilà une des premières phrases que j'ai apprise avec Carlos et Victor, mes professeurs d'espagnol. Aujourd'hui, elle est si fréquente et le point d'entrée de tant d'échanges que ces trois mots si communs prennent soudain une toute autre dimension, et je mesure à travers eux le chemin parcouru des préparatifs à la concrétisation de ce rêve.

Bientôt un mois que nous sommes sur les routes, 4 nouveaux tampons sur nos passeports, et l'on se réjouit chaque jour d'avantage des échanges que nous permettent ce voyage. Nous accueillons chaque rencontre comme un cadeau, et ne nous attendions pas à être aussi gâtés !  

Samedi 20 juillet. La vibration des cascades d'Igazu résonne encore en nous, et les images de ces chutes monumentales ne sont pas prêtes de nous quitter. Il est temps pourtant de reprendre la route. Les options sont nombreuses, et les possibilités pour rejoindre Asunción, la capitale du Paraguay, multiples.

Iguazù brillait depuis le début de notre voyage tel un phare orientant les marins. Maintenant qu'il nous faut reprendre le large, nous nous sentons brusquement déboussolés, conscients qu'une première étape vient de se franchir et que l'on commence à conjuguer un temps qui n'est pas notre préféré : le passé.

Nous envisageons de découvrir le Nord du Paraguay afin de rejoindre le « Laguna Blanca », un lac de sable blanc au milieu d'une réserve naturelle. Ce sera donc via le Brésil que nous ferons Cap en vue de rejoindre la frontière du Paraguay.

Nous traversons le Rio Igazù et pénétrons sans difficulté dans la région de Paranà au Brésil.

Immédiatement, l'accroissement du niveau social saute aux yeux des enfants qui remarquent les modèles récents des voitures et les styles vestimentaires des Brésiliens. Nous décidons d'aller arpenter les allées de l'imposant centre commercial à Foz do Iguaçu et très vite, nous sentons déconnectés de cette société consumériste. Les enfants passent devant d'immenses magasins de jeux sans même avoir la curiosité de vouloir y pénétrer.

Voyager comme nous le faisons demande inévitablement de se tourner vers un mode de vie minimaliste. Cette transition s'est faite naturellement et progressivement pour notre famille et désormais il nous semble impensable de revenir en arrière. La vision effarante de ces objets superflus nous assomme. Nous préférons retrouver notre cocon, après une photo souvenir d'une troupe de spectacle en tenues traditionnelles du réputé carnaval de Rio.

Nous rejoignons la ville de Toledo et retrouvons avec plaisir les paysages vallonnés. Depuis 3 semaines, ce sont les premiers. La région est agricole et les panneaux publicitaires d'un des géants de la chimie qui arrose quotidiennement ces cultures ne cessent d'apparaitre le long des champs. Les cactus et bananiers sont là pour nous rappeler que nous ne sommes plus en France.

Toledo sera simplement l'occasion de se restaurer et de profiter d'une balade digestive autour de son lac.

Cap vers le Paraguay.

A notre grande surprise, personne au poste frontière. Deux policiers nous saluent en nous demandant d'avancer. Nous entrons dans le pays sans contrôle, mais avec l'appréhension de futures problématiques administratives à la sortie. On verra à ce moment-là.

Les plaines sont de retour, et les maisons aux couleurs vert-d'eau et aux toitures à double pans semblent faire le lien entre ces deux pays si différents.

Après de longues heures de route, et une dernière piste en terre rouge qui ne nous effraye plus désormais, nous rechargeons les batteries au camping du « Laguna Blanca ». A cette saison, inutile de réserver, nous sommes seuls.

Le coucher de soleil nous offre un joli spectacle, et l'envie de nature attise notre impatience d'explorer les environs. Mais d'abord, repos.

Au petit matin, nous décidons de partir randonner autour du lac, espérant découvrir de nouvelles espèces d'oiseaux. Mais seul un sentier au travers de cette forêt dense et humide est accessible. A défaut d'oiseaux, c'est une quantité incroyable de papillons que nous allons découvrir ici. Certains si bien camouflés qu'ils se confondent avec la végétation.

Le vent se lève, l'orage monte. Après le déjeuner, nous décidons de rejoindre Asunción.

Au Paraguay, le décalage horaire est désormais de 6H avec la France. Les journées sont donc raccourcies d'une heure, et c'est de nuit, le lendemain soir, que nous arrivons à proximité de la Capitale.

Alors que nous sommes sur la voie rapide, un 4x4 nous klaxonne et un homme me fait signe de baisser la vitre. « Eyh ! De donde son ? » Profitant d'un ralentissement, il engage la conversation. Vite interrompus par la reprise du trafic, il nous invite à le suivre.

Nous nous arrêtons à une station-service un peu plus loin. Arturo, c'est ainsi qu'il se nomme, nous embrasse chaleureusement et nous présente sa femme Diana et leurs deux enfants. Propriétaire d'un camp touristique à une trentaine de kilomètres de là, il nous conseille sur les lieux à visiter dans les environs, et très vite, nous échangeons nos coordonnées. Il veillera sur nous via Whatsapp jusqu'à être certain que nous ayons trouvé un endroit sécurisé pour la nuit.

Et c'est devant la jolie maison de Manuel, un salarié de l'aéroport d'Asunción, que nous trouvons refuge ce soir-là, enjoués de ces rencontres inattendues et providentielles que nous offre ce voyage.

Asunción. La première image que nous renvoie cette ville est le nombre incalculable de policiers que nous croisons tout au long de ses avenues. Les panneaux lumineux aux dimensions spectaculaires nous rappellent soudain notre balade sur « Time Square », et la présence systématique de clôtures surmontées de barbelés ou de tessons de bouteilles autour des habitations n'aide pas à gagner notre confiance.

Asuncion, c'est une ville de contrastes. Les jolies maisons au style hispanique disparaissent, noyées sous la hauteur des immeubles en béton, pour beaucoup inachevés. Au milieu de cette cacophonie architecturale, se chevauchent les cabanes de contreplaqué qui recouvrent intégralement la place de l'indépendance, et les bidonvilles qui s'étendent en périphérie de la ville, bénéficiant de la vue sur le Rio Paraguay.

Des plus riches aux plus pauvres, chacun se croise ici, sur les quelques trottoirs existants, ou sur l'une des nombreuses place verdoyante qui permet quelques respirations dans cette densité urbaine. La tradition du maté vient faire se rejoindre l'ensemble des catégories sociales autour de cette boisson emblématique dont la taille des thermos n'a cessé de croitre depuis l'Uruguay.

La visite du Panthéon marquera positivement cette journée. Ce monument de pierre est un chef d'oeuvre. Nous resterons un long moment à apprécier son intérieur, sous son immense coupole. Hasard de la pendule, c'est le moment de la relève de la garde. Lou et Pablo immortalisent cette chorégraphie scrupuleusement respectée par les 4 gardes qui se succèdent.

En sortant, nous achèterons un « Chipa », ce pain en forme de couronne tire son origine au travers d'une recette des Guaranis de l'époque Jésuite. Il est composé de farine de tapioca et de graines d'anis.

Les temps est gris. Asunción ne se présente pas sous son meilleur jour.

Les enfants ne sont pas enchantés à l'idée de passer la nuit ici. Il est 16H00, et sur les conseils d'Arturo, nous décidons de visiter la petite ville d'Areguà, au bord du lac Ypacarai. Le calme de l'espace vert qui borde la plage municipale fera l'unanimité de la famille pour ce soir.

Areguà est calme à cette saison. Connue pour ses fraises dont les étales continuent la vente le long de l'avenue principale, elle est également réputée pour ses objets de décoration en terre cuite. Nous passerons un bon moment à nous étonner de ces personnages aussi kitsch qu'incongrus, associant avec amusement chacun d'eux à une personne de notre entourage, et riant à l'idée de rapporter ces amusantes atrocités visuelles dans nos bagages.

Sur les mêmes conseils de notre ange gardien Paraguayen, nous nous dirigeons ensuite vers la petite ville balnéaire de San Bernardino, de l'autre côté du lac.

Sur la route, nous nous arrêtons dans le parc naturel de Cerro Koi. Ici, la terre nous dévoile une curiosité géologique qu'elle est sans doute la seule à pouvoir expliquer, et qui résonne en nous comme un clin d'oeil de notre pays d'origine. Des centaines d'hexagones, d'une matière qui ressemble à de la brique, viennent former ici les collines qui surplombent le lac. Magnifique et surprenante découverte.

Nous laissons San Bernardino et ses villas balnéaires dans notre sillage. Cap vers le Nord-Ouest.

Ce soir, c'est dans l'enceinte du lycée hôtelier et de l'hôtel tenu par la dénommée Toni que nous prendrons l'énergie nécessaire pour affronter les 1042km qui nous séparent de Santa Cruz de la Sierra.

« De donde son ? Ah !? de Francia ! » Le temps de quelques photos à côté du camping-car, les signaux lumineux du prochain phare de Santa Cruz sont encore loin, et les routes de cette région du Chaco vont demander une grande vigilance, mais désormais, notre tortue a trouvé sa voie... et il nous tarde de découvrir les merveilles de la Bolivie.

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