Voilà déjà deux mois que nous sommes sur les routes et alors que je fais un second bilan mensuel de cette aventure familiale, je m'étonne à nouveau de la sérénité dont nous faisons preuve face à l'inconnu et à l'incertitude de ce voyage... Incroyable d'observer que cette histoire que l'on écrit au quotidien et qui pourtant est la nôtre, ne se lit que page après page sans jamais savoir de quoi la suite sera faite. C'est vraiment là en fait toute la magie de ce voyage...
Il y a un mois, alors
que nous passions la frontière Bolivienne après cette épopée à travers le
Chaco, nous étions loin d'imaginer que ce pays allait nous retenir un mois ici.
Et pourtant... Il a suffit d'une butée d'embrayage défectueuse pour que notre
histoire prenne un tout autre scénario.
Grâce à cet incident, nous avons eu la
chance de rencontrer des voyageurs aussi bienveillants qu'attachants, et qui
nous aurons permis de prendre du recul et surtout d'envisager différemment la
suite de ce voyage. Sans ces rencontres, nous n'aurions sans doute pas pu
découvrir ces magnifiques paysages du Sud Lipez. Sans eux toujours, nous
aurions traversé le Salar d'Uyuni dans des conditions nettement moins sereines
que ce dont nous avons finalement bénéficié en 4x4. Sans cette pièce
d'embrayage, nous serions sans doute passés à côté de la découverte de Sucre
qui n'était initialement qu'un point d'étape.
Et surtout, nous avons pleinement
pris conscience du soutien moral et logistique qui existe autour de nous au
travers de cette belle aventure. Et ce dernier point nous procure une énergie
positive qui jour après jour nous conforte dans ce choix de vie que nous avons
fait...
Mardi 20 août. Alors
que nous revenons de notre promenade quotidienne dans le centre de Sucre, notre
camping-car est stationné dans le sens opposé et nous comprenons immédiatement
qu'une nouvelle page de notre histoire va à nouveau pouvoir s'écrire. Après une
journée de travail suite à la réception de la pièce, Julio et son équipe ont
remis sur pieds notre tortue. Julio, qui s'est attaché à nous depuis 15 jours,
nous présente à toute sa famille et offre des boîtes en bois réalisées par son
fils à Lou et Pablo. Il emmène également Yannick à la station-service afin de
lui faire bénéficier du tarif local 3 fois inférieur au prix pour les étrangers.
Très touchés par ces attentions, nous sommes un moment déroutés par cette
liberté qui s'offre à nouveau à nous.
Une dernière nuit dans cette jolie ville
blanche, et nous voilà en quête de retrouver nos amis voyageurs Nicolas et
Camille, qui nous font le plaisir de nous attendre à Cochabamba afin de fêter
ensemble l'anniversaire de Yannick. Encore une preuve que des liens, aussi
furtifs soient-ils à l'échelle d'une vie, peuvent soudain trouver une
profondeur qui sur le moment nous échappe.
Après une longue journée de route où
nous reprenons goût rapidement à cette liberté et au confort d'une conduite
sans tracas mécaniques, les retrouvailles avec la famille Léonard nous comble.
Et c'est autour d'une tablée Colombo-Franco-Suisse pour laquelle la langue espagnole
vient faire se rejoindre ces différentes origines, que nous profitons de ce
moment privilégié et hors du temps.
Le lendemain, alors que Nicolas et Camille
s'apprêtent à poursuivre leur route, les dernières nouvelles de l'immense
incendie en Bolivie et au Brésil vont venir interférer dans leur organisation.
Il devient peu prudent de faire route vers l'est comme ils l'avaient prévu pour
rejoindre la maman de Camille, et après plusieurs minutes, ils décident
finalement de la faire venir jusqu'à l'aéroport de Cochabamba et ainsi profiter
sereinement de quelques jours supplémentaires ici.
Rassurés de cette sage
décision, et ravis de pouvoir prolonger ces moments avec nos nouveaux amis,
nous profitons ensemble de ces deux jours pour se poser et découvrir la ville
de Cochabamba. Les enfants sont aux anges et profitent de chaque instant passé
tous les 4. Ils passeront leur dernière nuit tous ensemble, blottis dans leur
jolie cabane de palmier...où finalement seules les filles finiront leurs nuits
telles de vraies aventurières. Les garçons ayant réintégrés la douce chaleur
des camping-cars au beau milieu de la nuit !
Samedi 24 août. Si
l'on s'écoutait on retarderait encore un peu plus notre départ...mais il est
temps de poursuivre notre route. Et derrière les "au revoir"
nostalgiques, nous prenons conscience qu'une page est en train de se tourner,
que derrière nous nous laissons à la vie le soin de nous remettre sur la route
de cette attachante famille, et que désormais la Bolivie s'apprête à se refermer
prochainement derrière nous...
Direction la Paz.
Cette ville immense perchée
sur de nombreuses collines nous impressionne dès notre arrivée. Desservie par
plusieurs télécabines et surmontée de nombreuses passerelles piétonnes, sa
construction et son développement urbain nous laissent sans voix.
Nous trouvons
facilement une place dans un quartier résidentiel au centre. Et après l'accord
des résidents devant lesquels nous trouvons refuge, nous profitons de 2 jours
de visite au cour de cette capitale. Du musée de la coca à la rue des sorcières
dans laquelle sont vendues toutes sortes d'offrandes et de porte bonheur (dont
des foetus de lamas que la tradition prévoit d'enterrer sous les fondations de
nouvelles constructions !), nous nous imprégnons de cette culture aussi
différente que surprenante face à nos références européennes.
Nous prenons le
temps de surplomber l'ensemble de la ville grâce à son réseau de télécabines et
découvrons ainsi l'envers du décor des quartiers historiques et propres du centre-ville,
qui font face à des quartiers périphériques jonchés de plastiques et de
décharges sauvages. Les enfants sont choqués par ces pratiques à l'antipode de
leur éducation et de l'enseignement reçu à l'école. Malheureusement cette
vision du monde et ces pratiques désastreuses pour notre environnement font
pleinement partie de ce voyage et je l'espère, participeront positivement à
leur construction vers leur future vie d'adultes.
Rapidement comblés par cette
découverte urbaine dans laquelle nous nous trouvons vite saturés par
l'agitation et le bruit permanent, nous reprenons la route vers le sud afin de
découvrir "la vallée de la lune", une formation géologique atypique à
seulement 15km de là. Et c'est sur cette dernière note originale et plus calme
que nous nous éloignons de la Paz, pour trouver repos auprès du lac du village
d'Achocalla.
Le temps de quelques cours pour Lou et Pablo et désormais nous
envisageons de rejoindre Copacabana, dernière ville à la frontière du Pérou au
bord du lac Titicaca.
Sur notre route, nous rencontrons une grande laiterie
nommée "flor de Leche" dont jouxte un atelier de fabrication de
fromages. L'occasion est trop belle de pouvoir à nouveau savourer des produits
nous rappelant notre gastronomie française... Raclette et vacherin y côtoient
ici des fromages frais et autres saveurs locales. Une petite parenthèse
gustative qui va faire le plaisir de toute la famille. Laissant notre
gourmandise de côté, nous poursuivons.
D'Achocalla à Copacabana, seulement
140km. Nous sommes persuadés d'y être rapidement et repérons un endroit pour
passer la nuit. Mais...c'était sans compter sur un nouveau problème mécanique !
Un message indiquant une panne moteur s'affiche et un témoin orange s'allume.
Dans un premier temps nous restons confiants, espérant pouvoir rallier notre
future destination.
Mais à 50km de notre arrivée, entre deux côtes, perchés en
pleine campagne à 4000m d'altitude, le camping-car perd soudain sa puissance et
nous voilà incapables d'avancer ou de reculer face à cette topographie. Nous
nous stationnons sur le bas-côté de cette large route et tentons d'analyser les
éléments à notre disposition.
Avant de partir, Yannick a eu la bonne idée
d'acheter un boîtier permettant de rentrer, à l'aide de notre ordinateur, dans
le calculateur du véhicule. Le diagnostic tombe : le filtre à particules est
colmaté. Seulement le boîtier ne permet pas d'agir sur les pannes moteur, et il
faut pour cela une clé permettant d'activer toutes les fonctions du logiciel
dont nous disposons. Par chance, le réseau internet fonctionne ! Achat effectué
de cette licence, le logiciel ne fonctionne toujours pas...c'est alors que je
comprends qu'il s'agit d'un problème de version et qu'il est nécessaire d'en
télécharger un autre. Une fois l'étape informatique résolue, nous lançons le
programme de la régénération forcée du filtre à particules. Et là miracle :
l'état du moteur est à nouveau opérationnel !
Bien joué les Jallais !
À ce moment-là, je suis une fois encore admirative et fière de notre tandem
ingénieux qui depuis 15 ans se complète, au point de nous permettre d'avancer,
unis, et de surmonter les barrières que la vie met ponctuellement sur notre
chemin...
Après un sommeil serein, nous repartons donc vers notre dernier
objectif bolivien : Copacabana. Enfin, après quelques kilomètres fébriles
espérant que les MacGyver que nous sommes puissent se satisfaire des résultats
de cette première approche de mécanos improvisés...nous admirons sans relâche
les paysages de ce lac gigantesque d'altitude. La lumière est intense et fait
ressortir le bleu profond de l'eau.
Les premières cultures en terrasses font
leur apparition. C'est magnifique... L'occasion pour Yannick et moi de se
remémorer notre voyage ici il y a 10 ans. Et de s'émerveiller à nouveau par
cette intensité qui capte et accroche notre regard sans nous lasser. Au détour
d'une colline, en contrebas, Copacabana apparaît enfin...et avec elle le
message moteur refait surface ! Désormais rompus à l'exercice nous reprenons la
même manip et gardons confiance en la suite.
Après un moment au bord du lac
Titicaca, la visite de la ville, et l'administration des préparatifs de
décoration de certaines voitures en vue de leur bénédiction prévue dimanche,
nous passons un moment avec des voyageurs français puis allemands. Nouvelle
occasion de partage.
Désormais, nous savons que la frontière Péruvienne n'est
plus qu'à quelques centaines de mètres et qu'une nouvelle page se tourne, celle
de la Bolivie. Mais assurément elle s'inscrit dans les moments les plus
intenses de ce voyage et nous sommes une fois de plus avides de découvrir la
suite de notre histoire.
...ah !? Le voyant orange du moteur s'est à nouveau
allumé.