« Ingeniero »
Notre formation d'ingénieur a renforcé notre côté pragmatique et cartésien avec Yannick, pourtant, s'il y a bien une chose que nous appris notre expérience du voyage, c'est que rien n'est écrit...
Cette première nuit à Santa Cruz est pour Yannick et moi un grand soulagement après l'intensité émotionnelle de ces derniers jours. Pourtant, il n'en sera pas de même pour Pablo, qui passera une partie de la nuit malade...
Ce premier matin à l'ombre d'une espèce tropicale dont il nous est difficile sans livre de reconnaissance de cette flore non familière de trouver le nom, nous remettons à un moment plus opportun l'idée de découvrir le coeur historique et décidons de profiter des commodités de cette immense ville pour effectuer ce que l'on nomme désormais une « matinée technique ».
Plein d'eau, vidange des sanitaires, plein d'essence, lavage extérieur et intérieur, laverie, passage à la banque, achat d'une bouteille de gaz... tout y passe. Comme un besoin de repartir sur de bonnes bases après cette épopée du Chaco, nous nous surprenons par l'efficacité dont nous faisons preuve... sous le regard épuisé de notre petit bonhomme, dont les couleurs rosées peinent à revenir sur ses joues rondes.
Dès le début d'après-midi en ce lundi 29 juillet, tout est opérationnel, et nous partons découvrir la ville, pensant que l'air extérieur serait favorable à Pablo.
Santa Cruz, à l'opposé de toutes les villes déjà visitées depuis le début de ce voyage, s'est construite en anneaux, au nombre de huit autour de son centre.
Dès les premiers carrefours, nous comprenons les codes de cette jungle routière. Ici les minibus sont les rois de la route. Les piétons ne sont pas prioritaires, et les clignotants inexistants.
Nous ne comprenons toujours pas le sens prioritaire des carrefours, mais une chose est acquise : pas question d'hésiter au risque de susciter l'agacement sonore des impatients conducteurs.
Après avoir stationné notre maison sur roues dans un parking privé, nous voici au coeur de Santa Cruz.
Le bruit des véhicules est omniprésent et l'agitation de la circulation nécessite une grande vigilance à chaque changement de trottoir.
Pablo est fatigué mais le rose pâle commence timidement à colorer ses pommettes... c'est bon signe.
Ici, plus de maté ni thermos sous le bras des habitants, cela nous interpelle.
Les bâtiments ont cette particularité d'avancer sur la rue de par leur toiture, soutenus par des piliers de brique, de bois ou de béton. Cette architecture donne lieu à de multiples enfilades d'arcades qui offrent un certain charme et nous permet par ailleurs de nous abriter du soleil.
Rapidement, nous arrivons sur la place principale faisant face à Hôtel de ville, et laissant deviner à son opposé derrière les arbres, la magnifique cathédrale de briques rouges.
Nous profiterons de l'accès à son clocher pour découvrir une vue à 360° sur Santa Cruz. Le temps est magnifique, mais en haut, un vent violent nous fait vaciller à chaque rafale.
Tout en haut, nous découvrons le mécanisme des immenses horloges qui dominent la ville. Le système de rouages attire l'attention des enfants, impressionnés par cette précision mécanique.
La place du 24 septembre est arborée de nombreuses espèces tropicales. Au centre, la statue réalisée à Bruxelles du Colonel Ignacio Warnes, un héros de la guerre d'Indépendance, domine fièrement les pigeons qui s'amassent autour des passants, espérant quelques miettes.
Dans cette ville, tout est sectorisé. A la sortie du parking, nous étions surpris par le nombre de vendeurs de tampons... nous aurons vite cerné au détour d'une prochaine rue achalandée uniquement par des vendeurs d'accessoires pour cheveux que la concurrence est ici très localisée.
La grande place derrière nous, nous arrivons désormais dans le quartier des libraires.
Qu'il est frustrant de ne pas mettre de nom sur cette faune et cette flore si riche que nous observons chaque jour. Dans une des multiples librairies que nous arpentons, enfin nous trouverons de quoi répondre en partie à nos questions. Un livre sur les oiseaux de la Bolivie viendra compléter notre petite bibliothèque de bord.
Sur les conseils du libraire, Lou et Pablo trouverons l'occasion d'enrichir leur vocabulaire espagnol. Un comte Bolivien sera l'objet de futures traductions afin d'en découvrir l'histoire.
Les quartiers s'enchaînent, chacun avec sa « spécialité ». Au détour de celui dédié aux tissus, j'entreprends de confectionner des sacs réutilisables lors de nos achats de fruits et légumes.
La vision de cette quantité hallucinante de plastique au bord des routes, dans les magasins, ou chez les vendeurs ambulants nous est insupportable. Ce voyage ne doit pas nous faire oublier nos valeurs ni nos engagements environnementaux, alors ici, si petite soit la part du Colibri, nous poursuivrons nos habitudes écologiques.
La chance me permet de trouver mon bonheur. Un mètre de cette matière que le vendeur nommera du « Liencillo », une sorte de tulle ressemblant au tissu constituant les compresses, et nous voilà repartis à déambuler au gré de nos envies.
Rien n'est écrit... si ce n'est peut-être l'heure à laquelle nous devons récupérer notre linge à la laverie !
Santa Cruz de la Sierra nous réservera ses autres secteurs pour le lendemain.
Ce soir Pablo a retrouvé ses couleurs. Une bonne nuit de sommeil finira de la remettre sur pieds.
Nous débutons la seconde journée avec la visite du désuet musée d'histoire naturelle. Et comme la veille, nous laissons porter par l'atmosphère des différentes rues.
L'achat d'un ballon de foot aux couleurs de la France donnera à Lou l'occasion de se prendre au jeu des multiples « jongles » comme elle dit, dont elle se plaît désormais à essayer de maîtriser cette technique.
Alors que nous retrouvons pour le troisième soir la place d'Italie où nous avons pris quelques habitudes, nous déplorons le manque de curiosité et d'échange des Boliviens depuis nos premiers pas dans ce nouveau pays.
Rien n'est écrit...
A peine débutons-nous notre repas, que deux femmes accompagnées de jeunes enfants engagent la conversation à travers notre fenêtre grande ouverte sur la place. La plus âgée nous souhaitera la bienveillance des divinités quand Falia, la plus jeune, nous invitera gentiment à venir chez elle en cas de besoin.
Nous sourions suite à cet échange inattendu, qui remet en question notre synthèse de ces premiers jours en Bolivie.
Nous n'aurons pas fini notre diner que c'est désormais un dénommé Bruno qui vient se présenter à nous.
Nous passerons un long moment à discuter avec lui, c'est la première fois qu'il voit un camping-car. Et alors que chacun a repris le cours de sa vie, la nuit est tombée, les enfants rédigeant leur carnet de route, et moi les prochains épisodes de notre blog, Bruno réapparaît sur son vélo et me tend une enveloppe. Ayant eu connaissance de notre profession au cours de notre conversation, il nous apporte un cadeau souvenir, une statuette avec un homme à la profession d' « Ingenior », qu'il nous invite à rapporter en France en son souvenir. Derrière, il a gravé ses coordonnées. L'attention nous touche énormément, et c'est avec la promesse de l'accueillir en France s'il le souhaite que nous nous quittons, une fois de plus remplis de cette énergie indescriptible que nous procurent ces rencontres.
Non, rien n'est écrit... pas même la journée de demain. Alors nous laisserons place à l'improvisation du moment avant de quitter définitivement les lumières de cette ville, dont les éclats nous accompagnerons jusqu'à percevoir désormais ceux d'un prochain phare.