« Poitiers, Poitiers. Le train à destination de Paris-Montparnasse va partir. Attention à la fermeture des portes. Attention au départ. »
Le signal retentit, et l'ingénieux système de verrouillage automatique vient refermer l'imposante porte du train, nous séparant alors des yeux mouillés des parents de Yannick, et d'une amie venue nous dire un dernier au revoir.
Après une courte nuit d'à peine 2h15 de sommeil, les idées sont embuées ce matin. Nous chargeons les sacs dans la voiture de location qu'il nous faut aller redéposer et regardons une dernière fois notre jardin, en nous imprégnant de ses jolies couleurs matinales et de ses odeurs fraiches à quelques heures de la canicule qui nous englobe actuellement.
En refermant la porte de la maison, on se dit soudainement avec Yannick que « ça y est, c'est le grand jour ». Il ne nous reste désormais que l'essentiel : notre famille.
Avec Pablo, nous passons saluer notre voisine âgée de 94 ans, et espérons la retrouver aussi alerte et autonome qu'à ce jour. Chez notre boucher, l'émotion remonte à nouveau lorsqu'il s'agit de prononcer « à dans un an ! ». Je n'ai pas encore réussi à mettre le doigt sur l'élément déclencheur, mais une chose est sure, il y a bien un lien de cause à effet entre cette phrase et l'augmentation du ruissellement de mon liquide lacrymal !
Sur la route qui nous mène à la gare, les visages de proches se succèdent. Nous guettons les passagers des voitures que nous croisons, et sommes bizarrement plus attentifs que d'habitude aux piétons qui se promènent. L'envie sans doute de se rattacher à ce que l'on connait. C'est rassurant.
Arrivés à la gare de Poitiers, nous sommes surpris d'être reconnus par des passants qui nous interpellent et viennent nous souhaiter un bon voyage. Il faut croire que les articles de presse publiés ces derniers temps ont permis de mettre des visages sur notre histoire et notre aventure. Nous n'avions pas conscience des répercussions que cela pourrait avoir. Mais la bienveillante curiosité des personnes qui ont décidé de s'intéresser à notre histoire nous procure une énergie telle que nous avons plus que jamais envie d'avancer en emportant dans nos baluchons tous ces voyageurs.
La chaleur commence déjà à se faire lourde. Plus que quelques minutes nous sépare de l'arrivée du train quand soudain, une silhouette frêle et énergique apparait en courant. C'est celle de Lucie, une amie. Dans ses bras, le regard malicieux et rieur de la petite Nina nous envoie une décharge de bonheur. Ces vibrations émotionnelles nous font vaciller l'espace d'un instant. Mais la ponctualité de notre réseau ferroviaire Français nous éloignera de notre terre Poitevine, laissant derrière nous la nostalgie des « Au revoir ».
La fatigue est présente, mais les messages tellement nombreux que le trajet jusqu'à Paris va se passer les yeux rivés sur mon téléphone.
Nous étions persuadés d'avoir laissé notre vie d'avant sur le quai de la gare de Poitiers... mais c'était sans compter sur l'arrivée surprise d'Etienne, qui habite notre village et est venu poser son avion à Orly le temps d'une petite heure d'escale. Dernier check de l'état d'écoulement de mon liquide lacrymal... tout est opérationnel : ça coule !
Enregistrement des bagages, contrôle de douane, embarquement,... à chaque étape de notre progression vers les sièges 31 A, B, C et F de notre premier avion, je me demande à quel moment nous allons enfin réaliser quel tournant incroyable nous avons pris. Mais rien. Décidément les émotions sont surprenantes.
Les enfants immortalisent chaque instant sur leurs appareils photos et leur tablette. Et Yannick n'a pas la force d'attendre le décollage que déjà Morphée lui fait de l'oeil.
Quant à moi, j'observe avec beaucoup d'amour cette belle famille que j'ai la chance d'avoir auprès de moi pour cette aventure qui visiblement, n'a pas fini de nous surprendre.