En arrivant dans cette capitale si riche de son passé, nous nous attendions à remonter le cours de l'histoire de cette ville à l'architecture si emblématique. Mais à ce moment-là, nous étions loin d'imaginer qu'en réalité, les histoires de vie que nous avions découvrir allaient à ce point influencer la nôtre...
Samedi 3 août. L'objectif principal de ce séjour à Sucre et de remettre notre tortue sur ces quatre pattes. Dès l'aube, une recherche sur "IOverlander", que nos amis voyageurs connaissent bien, nous jetons notre dévolu sur "Julio le mécano", et dès le début de matinée, le diagnostic de ce professionnel rejoint l'hypothèse du premier garagiste rencontré à Samaipata : un roulement de l'embrayage serait déplacé. Rendez-vous est pris pour mercredi 8h avec la quasi-certitude de récupérer notre véhicule au plus tard vendredi prochain.
Plutôt rassurés par ses paroles, nous envisageons alors une première projection dans l'organisation de notre programme de la semaine.
Les premières balades au coeur de la ville sont très agréables. La blancheur des façades hispaniques capte la lumière et ses différentes nuances tout au long de la journée, au point d'accrocher mon objectif de manière quelque peu frénétique...
Nous commençons nos multiples visites par celle de la magnifique cathédrale et rejoignons un groupe au cours d'une visite guidée. L'occasion d'en apprendre davantage sur les coutumes ancestrales et la vie des prêtres.
À la sortie, le coucher de soleil commence à poindre, nous décidons de profiter de ces magnifiques couleurs depuis un point de vue qui domine la ville. Ce soir-là, une fête foraine s'est installée sur la place bordant les arcades du Belvédère.
Le nombre de baby-foot se compte par dizaines et les jeux de loto y sont également très présents. Nous resterons un long moment à profiter de cette atmosphère, contemplative pour les uns, festive pour les autres, jusqu'à regarder s'allumer les premières lumières dans la nuit.
Dimanche 4 août. Avec la bénédiction de Julio, nous prenons la route en direction de Trabuco à 60 km à l'est afin de profiter de son marché traditionnel si réputé, et faire le plein de produits locaux au milieu de cette foule dominicale.
Ici, l'histoire nous rattrape au travers de la diversité vestimentaire des différents habitants de la région. Les formes de chapeaux y sont nombreuses et nous interpellent. Nous y découvrons également différents types de tissages et de broderies sur les tenues portées par les autochtones. La visite du musée des arts un Indigènes à Sucre nous permettra d'en savoir davantage sur les différents motifs et couleurs.
Sur le chemin du retour, notre souci technique viendra à nouveau interrompre l'émerveillement familial face à ces magnifiques paysages de montagne.
Nous rejoignons Sucre et la petite place autour de laquelle nous avons trouvé refuge. Il n'est désormais plus question de bouger notre tortue avant la prochaine visite au garage.
L'après-midi, des affiches nous annoncent un défilé de chars dans le parc arboré au coeur de la ville. L'occasion de visiter un nouveau secteur de Sucre. Au coeur du parc, trône une tour Eiffel dont la taille réduite et la couleur rouge diffèrent de notre symbole national, mais nous projette l'espace d'un instant au début de notre histoire, et avec elle, aux souvenirs des premiers km de cette belle aventure... Les enfants profitent de son escalier en libre accès pour découvrir la vue depuis sa cime, avant d'aller s'amuser sur l'immense aire de jeux aux allures de parc de dinosaures et ses immenses toboggans de béton dont on ne compte plus les cris et les rires à chaque descente.
Notre histoire pourrait se poursuivre avec le récit d'une famille découvrant chaque jour musées et points de vue sur la ville en attendant les réparations prochaines de son véhicule... Mais on le sait, rien n'est écrit. Ou peut-être que si au contraire, notre histoire est sans doute issue d'une écriture dont nous ne sommes certainement pas le seul auteur...
Lundi 5 août. Il est rare depuis notre départ de s'accorder une matinée de repos tardif, mais aujourd'hui, alors que la perspective d'une pleine semaine immobile se profile, nous profitons d'un petit déjeuner qui s'éternise, prenons le temps d'échanger en famille, sans contrainte de temps organisation comme nous le vivions alors auparavant au quotidien. Alors que les discussions vont bon train, on frappe à la porte.
Sébastien, Mylène et leurs deux filles, Léontine et Eléonore, se présentent. Français, ils voyagent eux aussi avec leur camping-car qu'ils ont garé à quelques mètres du nôtre, dans un petit jardin privatif. Immédiatement, les enfants profitent de cette rencontre pour jouer ensemble avec le ballon acheté à Santa Cruz, et il ne faut pas moins de temps aux quatre adultes que nous sommes pour laisser filer les heures autour d'une longue conversation qui se terminera par un apéritif improvisé sur cette charmante petite place.
Quand une famille de voyageurs rencontre une autre famille de voyageurs, de quoi parlent-ils ? D'histoires de voyage évidemment ! Et lorsque Mylène se met innocemment à m'annoncer que finalement les Galápagos ne sont qu'à 4H d'avion d'Hawaï, elle est loin d'imaginer le trouble qu'elle vient de semer dans mon esprit... Ici le bout du monde n'est plus le même depuis l'Amérique Latine, et ce qui paraissait depuis la France difficilement accessible devient soudain à portée d'avion... Et Si... ?
Après cette longue conversation au cours de laquelle la notion du temps était réduite à l'état de simple principe métaphysique, nous reprenons nos découvertes de cette ville avec le musée « del Tesoro » qui nous dévoile l'histoire des métaux et pierres précieuses extraits en Bolivie.
Lou est ravie de cette visite et se découvre ici une grande admiration pour ces pierres, aussi bien brutes que façonnées.
En sortant, nous nous dirigeons vers une chocolaterie très réputée à Sucre, et ici, chez « Para Ti », nous dégustons ce qui de mon point de vue restera le meilleur chocolat chaud jamais dégusté auparavant.
Alors que nous prenons le chemin de notre maison à trois pattes, une horde de policiers se déploie à proximité de la Place centrale. Hasard du calendrier, le 6 Aout est en Bolivie un jour férié où l'on célèbre le jour de la Libération suite à la Guerre d'Indépendance. En ce soir, veille du défilé des administrations et des militaires, c'est l'ensemble des écoles et des universités qui se présente en marche solennelle devant la tribune officielle qui accueille notamment le Maire de la ville. Plus de 50 écoles défilent ainsi en cadence, arborant pour chaque spécialité un fanion aux couleurs de la Bolivie avec inscrit dessus le nom de chacune. Le nombre d'élèves et de professeurs qui s'étale dans les rues du centre est considérable. A tel point qu'après une heure et quart de défilé, il nous est difficile de remonter cette foule qui se prépare encore à se mettre en ordre de marche afin de regagner notre camping-car.
Le lendemain, c'est donc l'histoire de ce pays qui nous permettra d'assister à un second défilé tout aussi impressionnant par le nombre de ses participants. Et avec elle, l'occasion d'approfondir nos connaissances dans le superbe musée de « la libertad ». Ici, le traité d'Indépendance est soigneusement encadré dans un pupitre de verre au milieu de la richissime salle où sont apposées les signatures nécessaires à ce document historique. Les portraits et médailles des différents Présidents donnent un caractère très solennel et officiel à ces lieux qui nous impressionnent autant que les enfants.
Mercredi, alors que notre tortue est désormais entre les mains de Julio, nous profitons de l'après-midi pour partager l'anniversaire de la petite Eléonore au sein du musée des dinosaures. Connu pour ses plaques tectoniques qui ont récemment permis de mettre en évidence des traces de plusieurs types de dinosaures, Sucre nous offre aujourd'hui un voyage dans le temps, à la découverte de l'évolution de ces mammifères si fascinants.
Alors qu'arrive déjà le temps des « au revoir » avec la famille « Smile », du nom de cette de ces 4 voyageurs, il est temps pour nous de faire un point sur l'état de notre tortue. Et malheureusement, le pire scénario que l'on ait voulu éviter d'écrire est en train de se profiler : une butée d'embrayage doit être remplacée et cette pièce n'est pas disponible en Bolivie.
Nous sommes désormais vendredi, et avec Yannick, nous passerons près de 3H sur le réseau internet de l'hôtel à écumer toutes les solutions envisageables, à prendre conseil auprès des autres voyageurs, à espérer que notre réseau relationnel puisse nous permettre de trouver une issue favorable à cette situation de blocage.
Sébastien et Mylène n'auront pas fait que nous bousculer quant à notre manière d'aborder notre voyage et ses futures destinations, ils nous auront également permis de connaître le groupe des Familles Autour du Monde, que nous avons pris plaisir à rejoindre dès l'annonce de son existence.
Mais l'histoire ne s'arrête pas là.
Deux jours à peine après cette inscription, Nicolas, Camille et leurs enfants, Adèle et Augustin nous contactent et proposent de se rencontrer. Sur les routes depuis plus d'un an, ils sont de passage à Sucre et viennent de voir notre présentation sur ce groupe ainsi que notre situation géographique actuelle.
Curieux hasard, et jolie rencontre. Nous passerons 2 jours ensemble à regarder les enfants complices et heureux de partager des moments d'insouciance et d'amusement avec d'autres voyageurs français du même âge, 2 jours à évoquer nos expériences de voyage, nos histoires de vie, nos anecdotes de route, nos familles, 2 jours à parler des Pays traversés, des voyageurs rencontrés, des paysages appréciés, des difficultés rencontrées, 2 jours à esquisser la vie « d'après », le retour futur, la reprise d'une vie de sédentaires avec cette expérience incroyable d'une vie de nomades...
Avec eux, je retrouve cette complicité amicale qui me nourrissait tant en France et qui soudain vient à me manquer.
Alors qu'avec Yannick nous envisageons la suite de notre aventure vers le Sud de la Bolivie, eux en reviennent justement. Et auprès d'eux, nous prenons conseils quant aux potentielles difficultés dans ce secteur.
Ce soir, nous écrirons une nouvelle page dans l'histoire de notre aventure, et c'est en 4x4, et non à bord de notre tortue que nous envisageons désormais de visiter le Sud Lipez.
Les derniers moments avec Nicolas et Camille seront à nouveau des moments de partage et d'échange... de films, de livres, d'applications et de derniers conseils. Et c'est non sans un certain pincement au coeur que je les regarde s'éloigner en sens inverse.
Ici, dans le parc des dinosaures, nos chemins se séparent, mais l'histoire dira où et quand nous nous retrouverons...
Ce dimanche soir, nous laissons derrière nous notre maison à 3 pattes pour rejoindre la petite ville de Tupiza, et dans ce bus qui nous emmène vers la suite de notre aventure, je n'ai de cesse de repenser à tous ces moments d'échanges de la semaine passée. Je m'émerveille de la richesse qu'ils nous procurent. Et malgré les difficultés techniques rencontrées et les contraintes générées par l'immobilisation de notre véhicule, c'est à nouveau chargée d'émotions positives et la tête pleine de nouveaux plans pour la suite de notre voyage que je regarde défiler le paysage lunaire sous la lumière intense de la lune.
Décidément... quelle histoire ce voyage !