La musique a
toujours fait partie de notre quotidien, et pendant ce voyage, les échanges
avec les locaux et les voyageurs que nous rencontrons m'ont permis de
diversifier la playlist qui nous accompagne.
Mais s'il y a des chanteurs qui reviennent régulièrement à nos oreilles, Renaud est de
ceux-là. Très apprécié par Yannick, c'est sans conteste son répertoire qui aura
le plus raisonné dans les enceintes du camping-car pendant tout notre parcours
en Amérique latine.
Avant d'avoir de nouveau l'occasion de nous ouvrir sur une
nouvelle culture musicale, c'est encore avec la voix rocailleuse du Renard que
l'on pourrait venir refermer ce chapitre Sud-américain tant cette chanson est
alors de circonstance : "c'est quand qu'on va où ?"
2 février
2020.
Cette journée débute dans l'insouciance générale de notre tribu de
voyageurs composée désormais de notre famille et de Marine et Thomas, alias
"les bidons rouges".
Un de ces matins ordinaires, rempli de moments simples et
authentiques, au sein de ce petit campement improvisé au bord de l'eau qui nous
ferait presque oublier les risques de la vie...
Pendant que Marine profite de notre cuisine pour réaliser sa
confiture de baies de calafate, Thomas bricole sur le
4x4 en compagnie de Pablo, Yannick et Lou sont quant à eux partis depuis plus
d'une heure ramasser des calafate. Commençant à
trouver le temps long, je demande à Pablo d'aller à leur rencontre afin de
pouvoir également cuire quelques pots de confiture avant de prendre la route.
Yannick et Lou reviennent alors une demi-heure plus tard, et
ce n'est que quelques minutes après leur retour que Yannick m'apprend que Pablo
n'est pas avec eux et surtout qu'il ne l'a pas vu.
Il repart alors sur ses traces avec Lou, mais trop inquiète,
je les rejoins et me mets également à sa recherche. Le paysage, bien que dégagé
est en bordure d'une rivière et surplombé par endroit de pentes très
accentuées. Les minutes défilent et l'angoisse nous envahit. Face au temps qui
s'éternise, nous organisons nos recherches et prenons chacun un talkie-walkie.
Les nombreux locaux ne nous rassurant pas en nous disant qu'ils ne l'ont pas vu
passer...
Une famille finie par nous dire qu'ils pensent l'avoir vu 20
minutes plus tôt se diriger vers un autre secteur de la rivière. Nous décidons
de suivre ce chemin avec Lou pendant que Yannick et Thomas partent en 4x4.
Marine est restée au camping-car espérant le voir rentrer.
La
population ressent notre inquiétude et prend part aux recherches. 2 motards
sillonnent le secteur et la gendarmerie est prévenue.
J'ai la gorge serrée, une boule dans le ventre. Je serre la
main de Lou qui, en larmes, appelle son frère avec des hurlements qui
raisonnent dans toute la vallée...
Près de 45min s'écoulent ainsi, espérant un "OK il est
là !" à chaque déclenchement du talkie. Quand soudain, Yannick et
Thomas pensent l'avoir repéré...une petite tête blonde apparaît enfin... oufff...!
En le voyant arriver au loin vers le secteur dans lequel
nous sommes, je respire enfin, avec cette sensation d'avoir fait la plus grande
apnée de ma vie. Il boude, et a visiblement eu peur lui-aussi, au point de
vouloir rentrer seul jusqu'au camping-car.
Après avoir remercié chaleureusement au passage toutes les
personnes qui nous ont aidées, c'est accompagnés des applaudissements heureux
des familles présentes au bord de la rivière que nous retournons au
camping-car, savourer une bonne tasse de thé avec Marine et Thomas, soulagés de
ce dénouement, mais encore groguis par le choc que
nous venons de vivre...
Remis de ces émotions fortes, nous prenons la direction du
nord. La confiture attendra...
Avant de trouver un nouveau bivouac pour la nuit, nous
faisons un crochet au bord de l'océan sur une réserve de manchots de Magellan.
Ici, pas question de les voir au travers d'un mirador, les milliers d'individus
qui vivent là ne semblent pas dérangés le moins du monde par notre présence et
déambulent devant nous clopin-clopan de manière très
rigolote. Certains nous regardent postés à quelques centimètres à peine de nous
et imitent nos mouvements de tête hochant de gauche à droite. Une interaction
entre l'homme et l'animal sauvage tellement incroyable qu'elle marquera nos
esprits pour très longtemps... Les enfants ne résistent pas à la tentation de
caresser les plus dociles d'entre eux. Nous savourons cet instant et prenons
beaucoup de plaisir à observer cette colonie. Le vacarme généré par tous ces
manchots est énorme et nous fait rire. Sans doute le contrecoup de cette
matinée de stress... on évacue enfin.
Le soleil commence à faiblir. Avec Marine et Thomas nous repérons
notre bivouac de ce soir.
Mais les
émotions du jour n'allaient certainement pas s'arrêter là, car en chemin, nous
sommes contraints de 2 - ARGENTINE/Episode 5 une roue qui vient de crever !
L'occasion malgré tout de profiter au passage d'un superbe
coucher de soleil.
Fatigués par tant d'émotions, nous profitons de notre nouvelle soirée à 6 autour d'un repas improvisé avant d'entamer une bonne nuit de sommeil réparatrice.
Demain sera un autre jour...
5 février.
La route jusqu'à Puerto
Madryn, à l'entrée de la péninsule de Valdès sera à
nouveau parsemée de moments de légèreté avec la première rencontre de lions de
mer bien plus gros que l'espèce que nous avions observée aux Galápagos, mais
aussi entrecoupée de moments de stress générés par les rafales de vent qui
continuent à nous secouer et à malmener nos lanterneaux, et surtout par
l'éclatement de notre dernière roue de secours venue 2 - ARGENTINE/Episode 5 la roue crevée
quelques jours plus tôt. Yannick répare notre pneu crevé avec une mèche dont la
technique nous avait été apprise par notre copain de voyage, Steve, au moment
de notre première crevaison à El Chalten.
Enfin, l'étape intermédiaire avant Buenos Aires s'annonce au
passage de la barrière d'entrée de la péninsule. Et c'est sous un ciel menaçant
qui nous offre soudain un magnifique arc en ciel, que nous bivouaquons au bord
de l'océan, toujours en compagnie de nos amis de voyage.
7 février.
Pendant ces 2 jours, nous profitons avec Marine
et Thomas des nombreux lions de mer et surtout des éléphants de mer présents
sur la péninsule de Valdès. Espérant apercevoir des orques, nous resterons
plusieurs heures à observer la mer et les différents manchots affrontant les
puissantes vagues, parfois au prix de leur vie, mourants écrasés sous la force de
ces dernières, projetés sur le sable de la plage qui nous fait face. Triste
spectacle.
À l'aube de ce jour de départ, nous sommes nostalgiques à
l'idée de quitter définitivement Marine et Thomas avec qui nous venons de
partager 1 mois de souvenirs communs et de très nombreux bons moments. Mais la
mélancolie sera très vite remplacée par l'agacement à la vue de notre roue à
nouveau à plat ! La mèche n'a pas tenue et il nous faut réparer à nouveau.
Après un rapide regonflage, nous repartons en direction de la station-service
du village afin de palier à ce nouveau problème en attendant une solution plus
durable. Et c'est à Puerto Madryn,
une ville à 80km au Sud que nous serons contraints de retourner afin de faire
apposer un patch à l'endroit de notre réparation. Juan, le mécanicien, nous
garantit une durée de vie aussi longue que celle de la roue. C'est donc confiant
que nous pouvons entamer notre dernière étape avant Montevideo : Buenos Aires.
Nous essayons de retrouver la trace de nos amis avec qui
nous ne nous sommes pas dit au revoir, pensant l'un et l'autre se retrouver à Puerto Madryn dans la journée.
Mais après plusieurs messages en vain, nous prenons finalement la route vers le
nord, le coeur lourd et quelque peu contrariés de cette séparation impromptue.
Mais après avoir pu écouter notre message vocal et repéré
notre stationnement de ce soir, ils décident de modifier leur itinéraire afin
de nous retrouver une dernière fois avant leur retour en France. De quoi nous
remplir une nouvelle fois de bonheur. Nous sommes très touchés par cette marque
d'amitié et sommes tout autant heureux à l'écoute du récit de leur journée.
Après nous avoir quittés à la station-service, ils ont eu la joie de nager avec
des lions de mer. Une expérience qui vient nous rappeler celle que nous avions
vécue aux Galápagos. Leur sourire est communicatif et malgré la nuit tombée et
l'heure tardive, il vient illuminer ces derniers moments ensemble.
11 février.
3 jours après cette dernière étreinte avec
Marine et Thomas, et quelques arrêts au passage nous permettant de profiter une
dernière fois des lions de mer et des perruches très présentes le long de la
côte, les premiers arbres de la verdoyante ville de Buenos Aires nous offrent désormais
leur ombre le temps de notre séjour ici.
Le vent s'est enfin calmé et la chaleur est au rendez-vous
mais heureusement supportable.
À peine arrivés, nous nous dirigeons vers la société de
transport maritime afin d'envisager une traversée directe vers Colonia de
Sacramento qui nous permettrait d'éviter un détour de 300km par la route. Mais
le tarif prohibitif nous fera changer d'avis... et l'avenir proche viendra nous
confirmer que nous avons pris la bonne décision.
12 février.
Nous commençons cette journée, frustrés à l'idée
de ne passer que 3 jours à explorer cette capitale dans laquelle nous nous
sentons si bien.
Le taxi nous dépose dans le réputé et coloré quartier de la
Boca. Très populaire et désormais très touristique, ces façades métalliques ou
de bois peintes par ses habitants, en font désormais un incontournable de la
capitale.
Au pied du célèbre stade CABJ, les statues de joueurs de
foot réputés, dont le fameux Maradona, offrent aux enfants des photos souvenir
qui les amusent.
Pendant cette journée, on se laisse porter par les
différents quartiers de la ville, depuis le marché d'antiquités jusqu'à
l'obélisque de la place centrale, en passant par des passages couverts et les
grandes avenues. On se plaît dans cette ville à l'architecture très variée et à
l'atmosphère aussi envoûtante que ses multiples danseurs de Tango.
Si seulement on pouvait rester plus de temps ici... d'autant
qu'à ce jour, le départ du camping-car a beau être prévu pour le 18 février,
nous ne savons toujours pas où nous allons nous rendre le temps de son shipping
vers Anvers...
Mais alors que nous sommes attablés au son du tango pour un
dernier déjeuner au coeur de la capitale Argentine, un mail de la compagnie
maritime de Montevideo nous informe que notre bateau a de l'avance et qu'il
nous faut être présent dès demain afin d'effectuer toutes les formalités
administratives nécessaires à l'embarquement. Nous voici exhaussés ! Face à ce
rythme infernal qu'il nous faudrait appréhender tout d'un coup, nous préférons
différer notre départ d'une quinzaine afin de découvrir Buenos Aires comme nous
l'espérions.
Rendez-vous est pris, le camping-car embarquera désormais le 1er mars.
Nous sommes soulagés et heureux de ces quelques jours supplémentaires
à passer sur ce continent. Sans doute la peur de l'inconnu, mais surtout la
joie de poursuivre cette immersion au sein de cette culture Sud-américaine à
laquelle nous sommes désormais tant attachés.
Une bonne occasion de réfléchir à la suite... il est temps !
Entre 2 visites des superbes musées qui composent cette
ville, et la chance incroyable d'assister à une répétition de Carlos Nuñez et
son orchestre au sein de l'exceptionnel théâtre Colon, nous hésitons toujours
entre Cuba et le Guatemala. Mais à la lecture de plusieurs commentaires et
blogs de voyageurs, un conseil de famille viendra valider notre décision
finale, ce sera donc le Guatemala !
16 février 2020.
Pour ce dernier jour dans la Capitale, nous
profitons des énormes parcs arborés et partons à la découverte de la voie
lactée au coeur du magnifique planétarium de Buenos Aires.
Évidemment, nous ne pouvions pas quitter cette ville sans y
effectuer quelques pas de Tango ! Alors nous nous rendons dans un club où les
débutants peuvent y faire leurs premiers pas aux côtés de danseurs confirmés.
Yannick est fatigué et la perspective de danser en public alors qu'il n'est pas
vraiment à l'aise dans cette discipline ne l'enchante guère... il sera vite tiré
d'affaire ! À peine quelques minutes après notre arrivée, un extincteur explose
et répand une fumée toxique qui nous pique la gorge et nous oblige à nous
extraire rapidement de cette salle en sous-sol afin de pouvoir respirer l'air
extérieur. Les enfants rient aux éclats de cette situation incongrue et nous
nous engouffrons une dernière fois dans un taxi qui nous ramène au camping-car,
revivant cette scène surréaliste à laquelle nous venons d'assister.
19 février. La ville de Buenos Aires est désormais à une
trentaine de kilomètres au sud, mais c'est depuis les rives du quartier de
Tigre, savant mélange entre les canaux de Venise et le Marais Poitevin, au
charme des maisons du Cap Ferret, que nous aurons une dernière fois l'occasion
de saluer cette ville exceptionnelle que nous espérons revoir un jour.
Désormais le métronome marque la mesure et la partition est
écrite, Montevideo nous attend au plus tard le 21 pour la partie
administrative. Il est temps de quitter l'Argentine...
26 février.
Formalités réglementaires enfin établies, nous
nous offrons quelques jours de transition dans la charmante ville de Colonia de
Sacramento, où le style coloniale de ses bâtiments et la lumière particulière
qui se dégage des rives du Rio de la Plata en font un
secteur très prisé des touristes locaux.
Désormais, l'heure est venue de préparer le camping-car ainsi que nos bagages.
Après un grand nettoyage intérieur et extérieur de notre
tortue, nous récupérons notre linge à la « lavandería »
et bouclons nos baluchons pour le mois à venir.
Le lendemain
matin, c'est couronné d'une année de plus et surtout d'une première dizaine que
nous réveillons Pablo.
Lui qui souhaitait fêter son 10ème anniversaire à l'hôtel et
goûter à nouveau à la richesse calorique du Chivito,
découvert 8 mois plus tôt lors de notre arrivée à Montevideo, verra tous ces
voeux réalisés !
Après un déjeuner au restaurant du célèbre marché « del puerto », nous franchissons une dernière fois la
barrière bleue du port de Montevideo à bord de notre maison sur roues.
L'atmosphère qui règne à bord est particulière, partagée
entre nostalgie des moments vécus et stress à l'approche des contrôles qui nous
attendent.
Passées les différentes étapes nécessaires avant
l'embarquement prévu finalement dès demain, nous refermons les portes et j'immortalise
l'instant avant de nous engouffrer dans le taxi qui doit nous mener à notre
hôtel, situé à deux pas de l'aéroport.
Lou a prévu de multiples petites surprises pour son frère
qu'elle ira disposer dans la chambre juste avant notre arrivée. Attention touchante
pour ce jour si particulier pour lui comme pour toute notre famille.
Ce vendredi
28 février, sacs sur le dos, et 8 mois jour pour jour après notre arrivée en
Amérique du Sud, nous nous apprêtons à embarquer pour la suite de notre
aventure.
Écouteurs vissés sur les oreilles, je me remémore tous ces
visages qui ont marqués cette première partie de notre voyage, tellement
heureuse de toutes ces rencontres et de toutes les anecdotes qui s'y
rapportent. La musique couvre l'annonce préalable au décollage, et je ne peux
m'empêcher de sourire à l'écoute des premières notes de Noir Désir, qui, comme
une réponse à la chanson de Renaud, résume tout à fait la suite de notre
histoire : "le vent nous portera !"