Vendredi 28 Février 2020
Épisode 5 - De Valdès à Montevideo - "le vent nous portera"



La musique a toujours fait partie de notre quotidien, et pendant ce voyage, les échanges avec les locaux et les voyageurs que nous rencontrons m'ont permis de diversifier la playlist qui nous accompagne.
Mais s'il y a des chanteurs qui reviennent régulièrement à nos oreilles, Renaud est de ceux-là. Très apprécié par Yannick, c'est sans conteste son répertoire qui aura le plus raisonné dans les enceintes du camping-car pendant tout notre parcours en Amérique latine.
Avant d'avoir de nouveau l'occasion de nous ouvrir sur une nouvelle culture musicale, c'est encore avec la voix rocailleuse du Renard que l'on pourrait venir refermer ce chapitre Sud-américain tant cette chanson est alors de circonstance : "c'est quand qu'on va où ?"

2 février 2020.
Cette journée débute dans l'insouciance générale de notre tribu de voyageurs composée désormais de notre famille et de Marine et Thomas, alias "les bidons rouges".
Un de ces matins ordinaires, rempli de moments simples et authentiques, au sein de ce petit campement improvisé au bord de l'eau qui nous ferait presque oublier les risques de la vie...

Pendant que Marine profite de notre cuisine pour réaliser sa confiture de baies de calafate, Thomas bricole sur le 4x4 en compagnie de Pablo, Yannick et Lou sont quant à eux partis depuis plus d'une heure ramasser des calafate. Commençant à trouver le temps long, je demande à Pablo d'aller à leur rencontre afin de pouvoir également cuire quelques pots de confiture avant de prendre la route.

Yannick et Lou reviennent alors une demi-heure plus tard, et ce n'est que quelques minutes après leur retour que Yannick m'apprend que Pablo n'est pas avec eux et surtout qu'il ne l'a pas vu.

Il repart alors sur ses traces avec Lou, mais trop inquiète, je les rejoins et me mets également à sa recherche. Le paysage, bien que dégagé est en bordure d'une rivière et surplombé par endroit de pentes très accentuées. Les minutes défilent et l'angoisse nous envahit. Face au temps qui s'éternise, nous organisons nos recherches et prenons chacun un talkie-walkie. Les nombreux locaux ne nous rassurant pas en nous disant qu'ils ne l'ont pas vu passer...

Une famille finie par nous dire qu'ils pensent l'avoir vu 20 minutes plus tôt se diriger vers un autre secteur de la rivière. Nous décidons de suivre ce chemin avec Lou pendant que Yannick et Thomas partent en 4x4. Marine est restée au camping-car espérant le voir rentrer.

La population ressent notre inquiétude et prend part aux recherches. 2 motards sillonnent le secteur et la gendarmerie est prévenue.
J'ai la gorge serrée, une boule dans le ventre. Je serre la main de Lou qui, en larmes, appelle son frère avec des hurlements qui raisonnent dans toute la vallée...

Près de 45min s'écoulent ainsi, espérant un "OK il est là !" à chaque déclenchement du talkie. Quand soudain, Yannick et Thomas pensent l'avoir repéré...une petite tête blonde apparaît enfin... oufff...!

En le voyant arriver au loin vers le secteur dans lequel nous sommes, je respire enfin, avec cette sensation d'avoir fait la plus grande apnée de ma vie. Il boude, et a visiblement eu peur lui-aussi, au point de vouloir rentrer seul jusqu'au camping-car.

Après avoir remercié chaleureusement au passage toutes les personnes qui nous ont aidées, c'est accompagnés des applaudissements heureux des familles présentes au bord de la rivière que nous retournons au camping-car, savourer une bonne tasse de thé avec Marine et Thomas, soulagés de ce dénouement, mais encore groguis par le choc que nous venons de vivre...

Remis de ces émotions fortes, nous prenons la direction du nord. La confiture attendra...

Avant de trouver un nouveau bivouac pour la nuit, nous faisons un crochet au bord de l'océan sur une réserve de manchots de Magellan. Ici, pas question de les voir au travers d'un mirador, les milliers d'individus qui vivent là ne semblent pas dérangés le moins du monde par notre présence et déambulent devant nous clopin-clopan de manière très rigolote. Certains nous regardent postés à quelques centimètres à peine de nous et imitent nos mouvements de tête hochant de gauche à droite. Une interaction entre l'homme et l'animal sauvage tellement incroyable qu'elle marquera nos esprits pour très longtemps... Les enfants ne résistent pas à la tentation de caresser les plus dociles d'entre eux. Nous savourons cet instant et prenons beaucoup de plaisir à observer cette colonie. Le vacarme généré par tous ces manchots est énorme et nous fait rire. Sans doute le contrecoup de cette matinée de stress... on évacue enfin.

Le soleil commence à faiblir. Avec Marine et Thomas nous repérons notre bivouac de ce soir.

Mais les émotions du jour n'allaient certainement pas s'arrêter là, car en chemin, nous sommes contraints de 2 - ARGENTINE/Episode 5 une roue qui vient de crever !
L'occasion malgré tout de profiter au passage d'un superbe coucher de soleil.

Fatigués par tant d'émotions, nous profitons de notre nouvelle soirée à 6 autour d'un repas improvisé avant d'entamer une bonne nuit de sommeil réparatrice.

Demain sera un autre jour...

5 février.
La route jusqu'à Puerto Madryn, à l'entrée de la péninsule de Valdès sera à nouveau parsemée de moments de légèreté avec la première rencontre de lions de mer bien plus gros que l'espèce que nous avions observée aux Galápagos, mais aussi entrecoupée de moments de stress générés par les rafales de vent qui continuent à nous secouer et à malmener nos lanterneaux, et surtout par l'éclatement de notre dernière roue de secours venue 2 - ARGENTINE/Episode 5 la roue crevée quelques jours plus tôt. Yannick répare notre pneu crevé avec une mèche dont la technique nous avait été apprise par notre copain de voyage, Steve, au moment de notre première crevaison à El Chalten.

Enfin, l'étape intermédiaire avant Buenos Aires s'annonce au passage de la barrière d'entrée de la péninsule. Et c'est sous un ciel menaçant qui nous offre soudain un magnifique arc en ciel, que nous bivouaquons au bord de l'océan, toujours en compagnie de nos amis de voyage.

7 février.
Pendant ces 2 jours, nous profitons avec Marine et Thomas des nombreux lions de mer et surtout des éléphants de mer présents sur la péninsule de Valdès. Espérant apercevoir des orques, nous resterons plusieurs heures à observer la mer et les différents manchots affrontant les puissantes vagues, parfois au prix de leur vie, mourants écrasés sous la force de ces dernières, projetés sur le sable de la plage qui nous fait face. Triste spectacle.

À l'aube de ce jour de départ, nous sommes nostalgiques à l'idée de quitter définitivement Marine et Thomas avec qui nous venons de partager 1 mois de souvenirs communs et de très nombreux bons moments. Mais la mélancolie sera très vite remplacée par l'agacement à la vue de notre roue à nouveau à plat ! La mèche n'a pas tenue et il nous faut réparer à nouveau. Après un rapide regonflage, nous repartons en direction de la station-service du village afin de palier à ce nouveau problème en attendant une solution plus durable. Et c'est à Puerto Madryn, une ville à 80km au Sud que nous serons contraints de retourner afin de faire apposer un patch à l'endroit de notre réparation. Juan, le mécanicien, nous garantit une durée de vie aussi longue que celle de la roue. C'est donc confiant que nous pouvons entamer notre dernière étape avant Montevideo : Buenos Aires.

Nous essayons de retrouver la trace de nos amis avec qui nous ne nous sommes pas dit au revoir, pensant l'un et l'autre se retrouver à Puerto Madryn dans la journée. Mais après plusieurs messages en vain, nous prenons finalement la route vers le nord, le coeur lourd et quelque peu contrariés de cette séparation impromptue.

Mais après avoir pu écouter notre message vocal et repéré notre stationnement de ce soir, ils décident de modifier leur itinéraire afin de nous retrouver une dernière fois avant leur retour en France. De quoi nous remplir une nouvelle fois de bonheur. Nous sommes très touchés par cette marque d'amitié et sommes tout autant heureux à l'écoute du récit de leur journée. Après nous avoir quittés à la station-service, ils ont eu la joie de nager avec des lions de mer. Une expérience qui vient nous rappeler celle que nous avions vécue aux Galápagos. Leur sourire est communicatif et malgré la nuit tombée et l'heure tardive, il vient illuminer ces derniers moments ensemble.

11 février.
3 jours après cette dernière étreinte avec Marine et Thomas, et quelques arrêts au passage nous permettant de profiter une dernière fois des lions de mer et des perruches très présentes le long de la côte, les premiers arbres de la verdoyante ville de Buenos Aires nous offrent désormais leur ombre le temps de notre séjour ici.

Le vent s'est enfin calmé et la chaleur est au rendez-vous mais heureusement supportable.

À peine arrivés, nous nous dirigeons vers la société de transport maritime afin d'envisager une traversée directe vers Colonia de Sacramento qui nous permettrait d'éviter un détour de 300km par la route. Mais le tarif prohibitif nous fera changer d'avis... et l'avenir proche viendra nous confirmer que nous avons pris la bonne décision.

12 février.
Nous commençons cette journée, frustrés à l'idée de ne passer que 3 jours à explorer cette capitale dans laquelle nous nous sentons si bien.
Le taxi nous dépose dans le réputé et coloré quartier de la Boca. Très populaire et désormais très touristique, ces façades métalliques ou de bois peintes par ses habitants, en font désormais un incontournable de la capitale.
Au pied du célèbre stade CABJ, les statues de joueurs de foot réputés, dont le fameux Maradona, offrent aux enfants des photos souvenir qui les amusent.

Pendant cette journée, on se laisse porter par les différents quartiers de la ville, depuis le marché d'antiquités jusqu'à l'obélisque de la place centrale, en passant par des passages couverts et les grandes avenues. On se plaît dans cette ville à l'architecture très variée et à l'atmosphère aussi envoûtante que ses multiples danseurs de Tango.

Si seulement on pouvait rester plus de temps ici... d'autant qu'à ce jour, le départ du camping-car a beau être prévu pour le 18 février, nous ne savons toujours pas où nous allons nous rendre le temps de son shipping vers Anvers...

Mais alors que nous sommes attablés au son du tango pour un dernier déjeuner au coeur de la capitale Argentine, un mail de la compagnie maritime de Montevideo nous informe que notre bateau a de l'avance et qu'il nous faut être présent dès demain afin d'effectuer toutes les formalités administratives nécessaires à l'embarquement. Nous voici exhaussés ! Face à ce rythme infernal qu'il nous faudrait appréhender tout d'un coup, nous préférons différer notre départ d'une quinzaine afin de découvrir Buenos Aires comme nous l'espérions.

Rendez-vous est pris, le camping-car embarquera désormais le 1er mars.

Nous sommes soulagés et heureux de ces quelques jours supplémentaires à passer sur ce continent. Sans doute la peur de l'inconnu, mais surtout la joie de poursuivre cette immersion au sein de cette culture Sud-américaine à laquelle nous sommes désormais tant attachés.

Une bonne occasion de réfléchir à la suite... il est temps !

Entre 2 visites des superbes musées qui composent cette ville, et la chance incroyable d'assister à une répétition de Carlos Nuñez et son orchestre au sein de l'exceptionnel théâtre Colon, nous hésitons toujours entre Cuba et le Guatemala. Mais à la lecture de plusieurs commentaires et blogs de voyageurs, un conseil de famille viendra valider notre décision finale, ce sera donc le Guatemala !

16 février 2020.
Pour ce dernier jour dans la Capitale, nous profitons des énormes parcs arborés et partons à la découverte de la voie lactée au coeur du magnifique planétarium de Buenos Aires.

Évidemment, nous ne pouvions pas quitter cette ville sans y effectuer quelques pas de Tango ! Alors nous nous rendons dans un club où les débutants peuvent y faire leurs premiers pas aux côtés de danseurs confirmés. Yannick est fatigué et la perspective de danser en public alors qu'il n'est pas vraiment à l'aise dans cette discipline ne l'enchante guère... il sera vite tiré d'affaire ! À peine quelques minutes après notre arrivée, un extincteur explose et répand une fumée toxique qui nous pique la gorge et nous oblige à nous extraire rapidement de cette salle en sous-sol afin de pouvoir respirer l'air extérieur. Les enfants rient aux éclats de cette situation incongrue et nous nous engouffrons une dernière fois dans un taxi qui nous ramène au camping-car, revivant cette scène surréaliste à laquelle nous venons d'assister.

19 février. La ville de Buenos Aires est désormais à une trentaine de kilomètres au sud, mais c'est depuis les rives du quartier de Tigre, savant mélange entre les canaux de Venise et le Marais Poitevin, au charme des maisons du Cap Ferret, que nous aurons une dernière fois l'occasion de saluer cette ville exceptionnelle que nous espérons revoir un jour.
Désormais le métronome marque la mesure et la partition est écrite, Montevideo nous attend au plus tard le 21 pour la partie administrative. Il est temps de quitter l'Argentine...

26 février.
Formalités réglementaires enfin établies, nous nous offrons quelques jours de transition dans la charmante ville de Colonia de Sacramento, où le style coloniale de ses bâtiments et la lumière particulière qui se dégage des rives du Rio de la Plata en font un secteur très prisé des touristes locaux.
Désormais, l'heure est venue de préparer le camping-car ainsi que nos bagages.
Après un grand nettoyage intérieur et extérieur de notre tortue, nous récupérons notre linge à la « lavandería » et bouclons nos baluchons pour le mois à venir.

Le lendemain matin, c'est couronné d'une année de plus et surtout d'une première dizaine que nous réveillons Pablo.
Lui qui souhaitait fêter son 10ème anniversaire à l'hôtel et goûter à nouveau à la richesse calorique du Chivito, découvert 8 mois plus tôt lors de notre arrivée à Montevideo, verra tous ces voeux réalisés !
Après un déjeuner au restaurant du célèbre marché « del puerto », nous franchissons une dernière fois la barrière bleue du port de Montevideo à bord de notre maison sur roues.

L'atmosphère qui règne à bord est particulière, partagée entre nostalgie des moments vécus et stress à l'approche des contrôles qui nous attendent.
Passées les différentes étapes nécessaires avant l'embarquement prévu finalement dès demain, nous refermons les portes et j'immortalise l'instant avant de nous engouffrer dans le taxi qui doit nous mener à notre hôtel, situé à deux pas de l'aéroport.

Lou a prévu de multiples petites surprises pour son frère qu'elle ira disposer dans la chambre juste avant notre arrivée. Attention touchante pour ce jour si particulier pour lui comme pour toute notre famille.

Ce vendredi 28 février, sacs sur le dos, et 8 mois jour pour jour après notre arrivée en Amérique du Sud, nous nous apprêtons à embarquer pour la suite de notre aventure.
Écouteurs vissés sur les oreilles, je me remémore tous ces visages qui ont marqués cette première partie de notre voyage, tellement heureuse de toutes ces rencontres et de toutes les anecdotes qui s'y rapportent. La musique couvre l'annonce préalable au décollage, et je ne peux m'empêcher de sourire à l'écoute des premières notes de Noir Désir, qui, comme une réponse à la chanson de Renaud, résume tout à fait la suite de notre histoire : "le vent nous portera !"

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