29 Juillet 2019
VERS LA LUMIERE DE SANTA CRUZ



 

« Vers la lumière de Santa Cruz »

La teinte blanche des phares des particuliers regagnant leur confortable logement au tour de la « Plaza Italica » contraste l'espace d'un instant avec le doux halo orangé qui éclaire la place.

Derrière les joggers habitués des lieux, nous emboîtons le pas, côte à côte avec Yannick, dans un rythme qui nous réunit. Les enfants profitent de cet instant pour rédiger leur carnet de route. Toujours à portée de vue, ils nous encouragent à chaque passage à proximité du camping-car.

Cette lumière apaisante est propice à la réflexion. Alors que mes pensées vagabondes et que j'essaie de les laisser filer, une agréable sensation de liberté m'envahit. Cette liberté, nous nous la sommes bâtie avec ce voyage, nous délestant des habitudes quotidiennes et des contraintes que la vie nous impose. Mais au-delà de la liberté que nous procure cette parenthèse familiale, ce soir, délestée des chaînes de nos anciennes occupations quotidiennes, je prends conscience de cette liberté intérieure que nous procure cette expérience de vie.

Contempler la nature, se réjouir du quotidien, prendre le temps pour soi et surtout pour les autres, méditer, se réjouir de ce cadeau de la vie... ce soir, Santa Cruz ne se contera pas de nous éclairer de sa douce et chaude lumière, mais illuminera pleinement mes pensées.

Les lumières de cette ville, nous en rêvions depuis Asunción, loin d'imaginer alors à quel point les premières lueurs de ce nouveau phare allaient nous être réconfortantes.

Jeudi 25 juillet. Le béret rose de Toni disparaît dans les rétroviseurs. Tous les guides indiquent la même information : la traversée de la région du Chaco est difficile et mieux vaut être bien équipé. Cette vaste région du Nord-Ouest du Paraguay s'étend au-delà des frontières Boliviennes et Brésiliennes. Son isolement lui confère une grande richesse de sa flore et de sa faune.

Notre application routière nous indique un détour de plusieurs centaines de kilomètres via l'Argentine... nous allons vite comprendre pourquoi.

Depuis le départ de notre dernier bivouac, il pleut sans discontinuer, et les aspérités de la route se font de plus en plus importantes et régulières. Les bas-côtés ne sont qu'ornières de terre rouge, à tel point qu'il n'est même pas envisageable de se stationner le temps d'une courte pause.

Concentrée sur chaque nid de poule, incapable de lâcher du regard une seconde la route tant les trous sont inattendus et profonds, je scrute au loin l'arrivée des camions qui m'obligeront à me déporter ou à m'arrêter, et suis attentivement le mouvement de ceux qui me précèdent, annonciateurs de obstacles qui se profilent... Dans ces conditions crispantes, les kilomètres défilent... très lentement.

400km plus tard, dont 200 les yeux rivés sur chaque centimètre carré de bitume, de terre, de cailloux, de boue et d'eau, la petite ville de Filadelfia apparaît alors comme un oasis perdu au milieu du désert.

Ici les rues sont à peine praticables tant la boue rouge y est présente. La pluie actuelle n'arrangeant rien. Le camping-car a changé de couleur, et pas question de descendre n'importe où au risque d'un laisser une chaussure. Heureusement, la ville dispose de tous les services nécessaires aux voyageurs de passage. Après une nuit écrasante, nous en profitons pour nous ravitailler avant de reprendre cette épopée infernale en direction de la Bolivie.

Yannick prend le relai. Le soleil est de retour et a commencé à assécher les routes, ce qui facilite grandement la conduite. Plus détendus que la veille, aidés par les bonnes conditions météo, nous poursuivons lentement notre ascension au travers des plaines du Chaco. Le balai des oiseaux et des flamants roses survolant le camping-car nous apporte quelques moments de détente.

Le bitume revient tout d'un coup : oh Bonheur ! La fluidité de la route qui se déroule sous les roues est accueillie avec joie. Confiants, nous regardons le GPS qui nous indique une arrivée vers 16H00. Dans ces conditions, nous décidons de poursuivre jusqu'à la première ville après la frontière, soit environ 150km de plus que notre point initial pour cette nuit.

Observant avec attention le paysage environnant, un tatou apparait sur le bas-côté ! Nous nous accordons le luxe de faire demi-tour sur cet immense tronçon où le nombre de véhicule croisé à l'heure se compte sur les doigts d'une main. Les enfants exultent. Ils espéraient cette rencontre. Joli cadeau de cette journée.

Nous poursuivons.

Après quelques kilomètres, la route disparaît une fois de plus au profit d'une terre caillouteuse, parsemée de nids de poule tellement imposants qu'il est parfois nécessaire de franchir ces obstacles quasi-perpendiculaire à l'axe de la route.

Vers 18H00, nous arrivons au poste frontière. Habitués des formalités à accomplir, nous arrivons relativement sereins face aux services de l'immigration...  mais c'était sans compter l'absence de tampon d'entrée sur le territoire au niveau de la frontière Brésilienne. Impossible de sortir du pays puisque officiellement nous n'y sommes pas rentrés !

Il faudra prêt de 20min d'une explication ferme face à cette représentante officielle, et la grâce de son supérieur administratif qui nous évitera une amende de 50? par personne pour qu'enfin elle nous tamponne notre passeport.

Etape 1 : check. Suivante : les services de l'immigration Bolivienne.

Nous remplissons les documents nécessaires et sans soucis, mais seulement 20min plus tard, sommes autorisés à passer à l'étape 3 ! Le service des douanes.

Là, seul le conducteur principal est admis à rentrer dans le bureau du fonctionnaire. Yannick prend place pendant que je patiente dans le couloir, quand j'aperçois le fonctionnaire quitter le bureau... 10min plus tard, il revient, plus préoccupé par son téléphone portable que par les documents que Yannick doit lui remettre. Patience... un quart d'heure après, tout est en ordre. On souffle.

Ultime étape : le passage de la frontière.

Heureux d'avoir obtenu tous les documents nécessaires, et retrouvant les enfants qui s'impatientaient dans le camping-car, nous nous présentons à l'officier qui nous ouvre immédiatement la barrière... seulement voilà, désormais le soleil se couche et c'est inévitablement de nuit qu'il va nous falloir effectuer les 60km qui nous séparent de Villamontes.

Dans la nuit noire, les rares véhicules que nous croisons nous renvoient un signe de vie auquel on se rattache comme une bouée à la mer. Seuls au milieu de cette nature sauvage, avec ce risque permanent d'accident ou de problème technique, nous décomptons chaque kilomètre qui nous sépare de la civilisation.

Après une longue journée de route, les lumières de Villamontes apparaissent enfin... soulagement à bord.

C'est seulement le lendemain matin que nous découvrons avec émerveillement ce petit havre de paix, aux rues bordées de petits commerces et aux places végétalisées.

Nous respirons enfin l'insouciance, fatigués par ces derniers jours de stress intense et de secousses incessantes.

La présence d'un chien beige aux allures de cocker viendra accentuer notre bien-être au sein de cette ville inexistante dans les guides touristiques. « Mon Loulou » comme le surnomment les enfants, viendra régulièrement chercher quelques caresses, nous faisant chaque fois chavirer le coeur en imaginant à sa place notre chienne restée en France...

Villamontes nous accroche. Nous y resterons 2 nuits, avec, à chaque réveil, l'espoir de revoir ces toucans si peut patients face à notre objectif...

Les lumières de Santa Cruz ne brillent pas encore que déjà nous les imaginons. Cap plein Nord. Le GPS nous indique un peu plus de 5H de route... on a connu pire.

Dès la frontière Bolivienne, nous avons retrouvé des températures estivales. Sous un beau soleil, et admiratifs des premières collines arborées qui apparaissent devant nous, nous partons confiants.

Les péages et postes de police se succèdent sur cette route. Les 200 premiers kilomètres sont très agréables, et les paysages magnifiques, très verdoyants. Mais voilà, ici rien n'est habitude, rien n'est standard... et aujourd'hui sera l'occasion d'un mot de vocabulaire supplémentaire pour Lou et Pablo : « Obra » qui signifie travaux.

En plus des chiens errants, des troupeaux de vaches ou encore de moutons qu'il nous faut régulièrement éviter, les portions en alternat se feront régulières sur les 150 derniers kilomètres. Bidons en guise de baliroad, et branches d'arbres sur la voie interdite à la circulation.

Santa Cruz se fait désirer. Le GPS nous annonçait une arrivée vers 18H00, c'est finalement à 22H23 qu'enfin, les premières lumières de cette ville scintillent au travers de notre pare-brise dont les contours portent encore les stigmates rouges des jours passés.

Sant Cruz brille de mille feux. En Bolivie, elle est la ville la plus peuplée du pays et pourtant, en ce second soir, au calme de sa jolie place d'Italie, elle nous réserve un charmant cocon où nous trouverons les ressources nécessaires pour cheminer désormais vers cette liberté intérieure...

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