17 Juillet 2019
Episode 2 - PARA DELFINA



 

« Para Delfina. Los amigos de Francia »

Ce petit mot manuscrit de Lou et Pablo accompagne un badge à l'effigie de la Tour Eiffel. Il est le premier qu'ils déposeront sur le bureau du papa de leur nouvelle petite copine d'Argentine : Delfina. Agée de 10 ans, elle est la fille du gérant du camping, et le jour de notre arrivée à Carlos Pellegrini, ils n'ont pas eu longtemps à lui expliquer les règles de « Loup touche-touche », jeu qui semble également familié des petits Argentins.

Nous sommes le dimanche 14 juillet. Après avoir salué la famille de Montpellier arrivée la veille, une photo immortalise cette rencontre puis nous nous mettons en route. Direction Posadas, à 209km de là. Désormais, nous savons à quoi nous attendre en matière de piste, et sommes donc sereins de ce côté-là.

Têtes et disques durs remplis par la quantité d'images de la faune et des paysages observés ces derniers jours, le moral est au beau fixe.

Quelques kilomètres à peine après notre départ, nous apercevons un homme sur le bas-côté faisant du stop. Très vite je repère un peu plus loin une femme avec deux enfants, et en conclue qu'il s'agit certainement de sa famille.

Que pouvons-nous offrir à ces gens si ce n'est de leur faciliter un peu le quotidien ? Aussitôt je demande à Yannick de les prendre.

J'ouvre la porte arrière pour les faire monter, et alors que l'homme me tend leur sac de voyage et un cheval à bascule, j'observe le jeune garçon tenant dans sa main un vêtement servant de lien à un agneau. Amusés par cette scène surréaliste, nous installons tout ce petit monde sur les banquettes de la cabine. A l'arrière avec eux, j'essaye alors d'entamer la discussion. Mais ils semblent mal à l'aise ou très réservés et se contentent de répondre à mes quelques questions sans chercher à nouer le contact. Je n'insiste pas et respecte le silence qu'ils m'imposent... entrecoupé de quelques bêlements !

La présence de cet animal si tentant à caresser me ramène au souvenir domestique de notre chienne, et surtout au manque provoqué par son absence... mais l'odeur qui commence à s'installer au sein de notre maison sur roues donne lieu à certains fou-rires de la part de Yannick et des enfants qui viendront vite interrompre cette mélancolie passagère. Tous trois profitent de l'air pur, fenêtres ouvertes au niveau du poste de conduite.

Je pourrais m'abandonner à sourire moi-aussi, mais la pauvreté que renvoie cette famille me touche...

Je regarde avec tendresse la petite Valeriana, 3 ans. Elle me sourit timidement avant de trouver refuge dans les bras de son père. Quant à Fecundo, âgé de 9 ans comme Pablo, je sens qu'il profite confortablement de ce trajet sortant de l'ordinaire pour laisser vagabonder son esprit d'enfant, blotti dans la banquette aux cotés de sa mère. Il finira par fermer les yeux, bercé par les secousses et le ronronnement de la cabine.

40km plus loin, le père de famille nous indique qu'ils sont arrivés. Ils descendent, rejoignant alors leur famille dans une de ces aciendas au milieu de nulle part... enfin, selon notre interprétation des choses, car eux sont habitués à l'isolement de ces immensités de terres agricoles et s'en accommodent.

Assez vite ensuite, nous retrouverons enfin le plaisir d'une circulation sur une route goudronnée.

L'absence de secousses et de grondement permanent enlèvera presque instantanément la fatigue de ces derniers kilomètres.

Nous voilà de retour à la civilisation. Les portables vibrent et retentissent à chaque nouvelle notification accumulée des jours passés. Posadas s'annonce. La pluie aussi...

C'est sous un ciel gris, et rincés par les quelques averses qui aideront Yannick à débarrasser notre tortue de sa pellicule extérieure de sable rouge que nous nous arrêtons. A côté de nous, la vue sur le port et les rives du Rio Paraná nous permet de garder un lien avec la nature.

Après trois jours coupés du monde, les bruits et l'agitation de cette grande ville contraste brusquement avec l'atmosphère paisible et sauvage de la réserve Ibera.

Alors que la France résonne de ses feux d'artifice, c'est au son d'un concert de percussions que nous finirons cette soirée.

La journée de lundi sera partagée entre ravitaillement en tout genre et visite de la ville. La place principale aux proportions conséquentes est très verdoyante, et les bâtiments qui l'entourent sont colorés, notamment son Eglise parée de fushia et de jaune. La présence de vieilles locomotives aux abords de l'ancienne gare ferroviaire sera l'occasion pour les enfants de monter à bord d'une de ces machines qu'ils n'ont jamais vues en action.

Le long du Rio Paraná, au pied de la statue d'Andrès Guarçurary (le seul d'origine indienne de toute l'histoire de l'Argentine à être devenu l'un des premiers caudillos fédéralistes), nous abordons avec les enfants l'histoire de ce pays, et introduisons la suite de nos visites : les missions Jésuites.

Direction Trinidad, un village du Paraguay situé à une trentaine de km de là.

Nous traversons le Rio Paranà sur le magnifique pont à haubans qui l'enjambe, et nous plions aux formalités douanières. Une heure plus tard, nous y sommes.

Pourtant simplement de l'autre côté de la rive, c'est une toute autre atmosphère qui règne ici au Paraguay. Les commerces sont omniprésents, particulièrement des magasins de vêtements, et la circulation n'a jamais été aussi intense depuis le début de ce voyage.

Heureusement, le parking qui borde la mission de Trinidad est d'un calme absolu. Ce soir, nous retrouvons avec plaisir cette sérénité qui nous manquait déjà.

Pendant ces deux jours, nous visitons les missions de Trinidad, puis Travarangue au Paraguay, avant de repasser coté Argentin où nous nous arrêtons sur le site de San Ignacio.

Toutes trois classées au Patrimoine Mondial par l'Unesco, elles sont complémentaires dans les informations et détails qu'elles nous livrent sur la vie des indiens Guaranis.

Les Guaranis sont des tribus qui ont bénéficié des savoirs européens en choisissant de s'allier aux Espagnols dans les années 1600. L'arrivée des Jésuites marquera la construction de missions, et l'opportunité pour les Guaranis d'échapper au servage. 30 missions, ou réductions comme on les nomme également, seront construites de 1611 à 1630. Après leur expulsion en 1767, certains Guaranis retourneront en forêt où environ 200 000 vivent encore aujourd'hui, répartis sur les territoires du Paraguay, au Sud du Brésil et au Nord de l'Argentine.

Nous observons que toutes ces missions sont établies selon le même modèle : une place centrale autour de laquelle sont situés Eglise, cimetière, maisons et ateliers artisanaux. Autour, des parcelles servant aux cultures. L'ensemble étant construit dans des lieux dominant le paysage environnant, il offre des points de vue agréables sur la campagne environnante.

Le musée présent à l'entrée du site de San Ignacio permettra à Lou et Pablo de mieux contextualiser nos explications précédentes.

La balade est paisible et la végétation de la dernière mission commence à nous inspirer pour la suite de notre voyage. La flore tropicale fait son apparition, et c'est avec deux papayes mûres sous le bras que nous remontons dans le camping-car pour 3H de route.

Prochain arrêt : Iguazù.

Il nous tarde désormais de découvrir ces fabuleuses cascades si renommées...

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