16 Décembre 2019
Épisode 3 - De Valparaiso à la Carretera australe : pluie de français



 

La veille de notre départ du camping à Viña Del Mar, et alors que nous profitions d'une dernière tisane de Boldo que Christophe était allé nous cueillir en compagnie de Lou, ce dernier nous proposait bien gentillement de bénir notre famille ainsi que notre camping-car avant de poursuivre le voyage.
Très touchés par cette rare attention, nous écoutons ses prières, bercés par la merveilleuse odeur de son huile Sainte qui s'était répendue dans la toute la cabine.
Ce soir, il demandera à Dieu de nous éviter tout accident et de mettre sur notre chemin de belles rencontres.
Dieu devait certainement être trop occupé à cet instant pour pouvoir recevoir intégralement toutes ses demandes...
Le lendemain matin, passant devant la maison de Christophe, et dès la première pierre venue sur le bas côté, nous raccrochons le bas de la portière qui ne résistera pas à cet impact...
Mais il semble tout de même que cette prière ait été en grande partie entendue, car depuis ce jour, une pluie de français s'est depuis déversée sur notre route !

Vendredi 29 novembre. Après 2 jours bordés d'arbres fruitiers et de vignobles, le décor évolue désormais vers des paysages de lacs et de volcans aux sommets enneigés.
Arrivés à Villarrica, une charmante petite ville aux allures boisées rappelant nos stations de ski et située sur les rives d'un lac du même nom, nous posons nos valises au bord de l'eau, avec, en arrière plan face à nous, le volcan Villarrica. Son sommet flirte avec les nuages, laissant planner quelques temps le mystère de sa forme intégrale.
Cela faisait longtemps que nous n'avions pas ressenti une telle sérénité au sein d'un bivouac, mais ici, l'atmosphère paisible de cette petite ville et la vue exceptionnelle dont nous jouissons suffisent à nous retenir plusieurs nuits.
Avec Yannick, nous profitons d'une après-midi où les enfants préfèrent rester se reposer dans le camping-car pour jouer les lutins au milieu des dizaines de petites boutiques artisanales qui composent la ville. Objets en bois sculptés, tournés ou pyrogravés, tissages en fibres locales, réalisés directement par les vendeurs de ces étales respectives, trouveront cette année leur place dans la hotte atypique de ce père-Noël globe-trotter.
À notre retour au bivouac, des voisins ont pris place à nos côtés. Nous faisons connaissance de Nathalie et Thomas, et leurs 2 filles, voyageant eux aussi en camping-car. Toujours aussi agréable de partager nos expériences respectives...
Parties de pêche, activités manuelles, plage et randonnée sur le volcan Villarrica rythmeront ces 4 jours ici, sous un soleil et un ciel bleu qui nous permettront de profiter pleinement de la géométrie triangulaire du volcan qui domine l'horizon.

Sans grande conviction, mais avec la volonté de découvrir les magnifiques paysages annoncés par Christophe et  nos voisins Français arrivant du Sud Chilien, nous reprenons la route en direction de la frontière Argentine. Dans ce secteur géographique, la route des 7 lagunes fait l'unanimité des guides et routards qui l'ont traversée.
Quelques heures plus tard, une erreur d'aiguillage nous mène sans le vouloir à côté d'un nouveau lac immense juste avant la frontière. Ici, les paysages nous rappellent ceux de la Norvège, dont le séjour nous avait marqué par l'immensité et la beauté de ses étendues vertes. Il n'en faudra pas plus pour nous retenir une journée supplémentaire au Chili !

Mercredi 4 décembre.
L'entrée sur le territoire Argentin s'est jusqu'à présent toujours passé de manière simple et rapide, et à notre grand soulagement, ce nouveau passage ne fera pas office d'exception pour aujourd'hui.
Passé le panneau indiquant l'entrée en Argentine, nous sommes surpris par l'arrêt net de la route asphaltée au profit d'une piste caillouteuse. Le contraste est brutal... dans tous les sens du terme !
Les paysages sont à la hauteur de ceux qui nous avaient été décrits : rivières bordées de lupins aux camaïeux de violet, massifs verdoyants avec, par endroit, des bosquets de "désespoirs des singes", certainement protégés au point de devoir zigzaguer sur la piste qui entoure leur tronc, et plusieurs volcans enneigés qui culminent par endroit au milieu de ces tableaux naturels, aussi beaux que variés à chaque virage. On savoure.
Nous passons 2 jours sur un axe secondaire de la route des 7 lacs, bivouaquant chaque fois au bord de l'eau, seuls au monde dans ces paysages de rêve. Un réel privilège.

Vendredi 6 novembre.
Au passage de la ville de d'Angostura, en direction de la frontière Chilienne, Yannick souhaite trouver un point de WiFi afin de mettre à jour les derniers écrits de notre site internet. Stationnés de manière anarchique face à l'office de tourisme, nous sommes alors dépassés par un camping-car qui profite du rond point à nos côtés pour revenir vers nous. Stationnés eux aussi avec un style qui renvoi pour le coup une image très désordonnée des français que nous sommes, nous étions partis pour quelques minutes de discussion avec Rémi Mylène et leurs 3 enfants... mais resterons là plus d'une heure, sous une pluie de klaxons des bus et des camions essayant de se frayer un chemin entre nos véhicules. Ah ces français !

Trop tard désormais pour passer la frontière, nous décidons de rester à Angostura pour la nuit et d'en profiter pour découvrir d'avantage cette petite ville le lendemain matin. Mais c'est finalement à 11, et non à 4, que nous nous baladerons ici ce samedi matin. Yohan, Sandra et leurs 5 enfants, nos voisins Vendéens rencontrés lors de la randonnée au pied du Cero Acuncagua, sont actuellement à San Carlos de Bariloche, une ville à proximité, et décident de nous rejoindre ce matin le temps d'un apéritif et d'une visite partagée du centre ville. Les enfants profitent de ces rares instants de jeux à plusieurs et de discussions entre français, on les sent heureux.
Après cette agréable parenthèse francophone, nous reprenons la route avec pour objectif la visite de l'île de Chiloé au Chili.

Nouveau passage de frontière. Nous avons la chance de rencontrer un douanier dont la curiosité pour nos aventures est visiblement plus grand que pour la fouille de notre véhicule, pendant que ces collègues sont eux bien occupés par le match de boxe diffusé sur l'énorme écran plat installé dans leur hangar. Nous nous réjouissons de cette scène quelque peu surréaliste qui accélérera grandement les formalités.
Et alors que nous envisageons notre itinéraire des prochains jours, Yannick se rend compte que la cousine de nos neveux est installée dans une ville non loin de notre itinéraire initial... nouvelle occasion de rencontre franco-français. Cette fois-ci, nous allons vivre une parenthèse très régionale autour d'un broyé du Poitou cuisiné par Claire à l'occasion de nos retrouvailles Chiliennes. On profite pleinement de ce moment qui nous paraît irréel tant il était inconcevable de penser se voir un jour en pareilles circonstances à l'autre bout du monde.
Le temps de quelques clichés pour la famille et nous reprenons notre itinéraire.

Le soleil nous suit jusqu'à Puerto Montt.
Présent depuis ces 5 mois de voyage, nous nous adaptons chaque jour aux températures plus ou moins fraîches sans pour autant porter véritablement attention à sa présence devenue quotidienne...mais c'est au retour de la pluie, sur l'île de Chiloe, que nous prenons soudain conscience de son impact sur nos activités quotidiennes et notre moral.
L'île de Chiloe, connue principalement pour la beauté de ses églises en bois, dont 16 sont classées au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, est aussi réputée pour son climat humide. Nous allons pouvoir confirmer cette réputation !
Sur l'île, nous y découvrons les maisons en bois sur pilotis caractéristiques de Chiloe, nous observons les dauphins, les manchots et retrouvons les lions de mer qui nous rappellent les Galápagos. Nous visitons plusieurs églises dont l'exceptionnel édifice tout en bois de la ville de Castro nous retiendra un long moment à l'intérieur. La magnifique crèche sur fond bleu, avec son bateau en bois, donne ici une atmosphère très spéciale aux fêtes de Noël qui s'approchent.
Mais malgré ces 4 jours de découverte, la présence des nuages et les averses à répétition nous engagent à prendre le ferry de jeudi en direction de Chaiten, sans regret de prolonger notre séjour ici jusqu'au prochain bateau prévu dimanche.

Jeudi 12 décembre.
Le réveil est difficile ce matin. Après une nuit à proximité du port de Quellon, où nous devons embarquer à 6h, nous n'avions pas imaginer passer une partie de la nuit, à sursauter au son des cornes de brumes et des alarmes émises par les bateaux... les enfants eux n'ont rien entendu !
Après 2 heures d'attente pour finalement n'embarquer que quelques minutes seulement avant le départ prévu à 8h, nous profitons des 3 heures 30 de traversée au calme de notre tortue. L'occasion parfaite pour 2 heures d'école où enfin, la géométrie peut se faire sans zigzag imprévu lors du tracé d'une ligne droite. Les enfants apprécient !

Arrivés à Chaiten, nous débutons notre descente sur la Carretera Australe accompagnés par une couverture nuageuse digne des temps de Toussaint.
L'entrée du parc Pumalin, réputé comme beaucoup ici pour ses randonnées, ne fera que nous indiquer sa présence. La masse nuageuse tellement basse et épaisse en masque l'intégralité de ses paysages.
Nous décidons donc de privilégier les kilomètres au profit d'autres sites de randonnée dans de meilleures conditions climatiques. Et alors que nous roulons depuis seulement 30 minutes, un camping-car circulant en sens opposé nous fait des appels de phares. Nous nous stationnons tous deux le temps de faire connaissance, et passerons finalement près de 2 heures avec Cécilia, Olivier, et leurs 3 enfants. Les hommes à bricoler sur les véhicules, les femmes à parler école et à s'échanger livres et films sur nos disques durs, pendant que les enfants improvisent un goûter commun... les joies des rencontres imprévues.
Reprenant nos directions respectives, nous oublions les kilomètres vers le sud pour aujourd'hui et bivouaquons finalement quelques kilomètres plus loin, au bord d'une rivière à la puissance remarquable. Ici, les gunneras ont des dimensions qui nous donnent l'impression de jouer dans le film d'animation "Minuscule" tant la taille des feuilles est imposante.
Nous passons une nuit bercés par le bruit de la rivière, et aurons du mal à quitter la couette avec les nombreux cliquetis de la pluie qui raisonnent sur notre carapace.
Après un petit-déjeuner peu enthousiaste face au temps déplorable qui s'annonce et auquel nous avons bien du mal à nous réhabituer, nous reprenons la route.
Tandis que nous nous arrêtons par hasard dans un village afin d'y trouver un peu de réseau le temps d'une pause déjeuner, les sourires reviennent subitement sur nos visages à la vue d'un camping-car qui nous est familier. En contact régulièrement avec cette famille que nous savions dans la région, nous espérions bien retrouver Mylène, Sébastien et leurs filles, rencontrés la première fois en Bolivie. Les voici étonnement stationnés face à nous. Nous voilà heureux de ses retrouvailles aussi espérées que surprenantes. Après 3 mois de voyages depuis notre dernière rencontre dans le Sud Lipez, nous cumulons plusieurs heures d'anecdotes à partager...
Et alors que nous débutons nos récits respectifs, un camion américain ayant repéré les drapeaux français sur nos carrosseries, se stationne à nos côtés. Rejoints par Pauline et Benjamin, un couple trentenaire originaires de Bresse, les discussions vont se poursuivre entre voyageurs jusqu'à ce que l'on regarde enfin notre montre... 20h15 ! La notion de temps est décidément bien relative en voyage.
Nous décidons d'aller bivouaquer tous ensemble au bord de l'eau, et finirons la soirée autour d'un repas improvisé sous les étoiles jusqu'au milieu de la nuit.
Le froid et la pluie viendront interrompre ce moment hors du temps que l'on reprendra dès le lendemain matin, observant, amusés, les enfants en train de nettoyer chacun des véhicules.
Nous laisserons Pauline et Benjamin reprendre la direction du Nord, et poursuivrons une journée supplémentaire abrités au sein de notre camping-car en compagnie Mylène et Sébastien. L'occasion entre 2 bons plans échangés, de se rendre compte de l'ingénieuse utilité de talkie-walkie pour contacter, sans se mouiller, les enfants jouant pendant ce temps là dans leur camping-car voisin... malin ces voyageurs !
Les aux revoirs évoquent désormais la fin approchant de notre voyage en Amérique latine, et, bien que la suite soit encore une grande équation à plusieurs inconnues, c'est désormais en France que nous espérons retrouver les "Smile" afin de partager de nouveaux moments ensemble.
Le soleil a beau refaire quelques timides apparitions, la pluie de larmes qui s'abat sur les joues des enfants me fend le cour et ne fait qu'amplifier la peine d'avoir quitté nos amis.
Essayant d'aller de l'avant, on se raccroche à notre nouvel objectif et aux superbes moments qui s'annoncent. Car en reprenant la route vers Puerto Rio Tranquilo, nous savons que c'est désormais en compagnie de nos amis Nicolas et Camille, rencontrés eux aussi à Sucre en Bolivie, que nous allons partager les prochains jours et surtout, fêter Noël ensemble.
Les enfants s'attachent à cette idée et imaginent désormais les futurs souvenirs qu'ils s'apprêtent à vivre auprès d'Adèle et Augustin. Mais il est bien difficile pour eux de se dire que désormais, 8 mois au moins les séparent des retrouvailles avec Léontine et Éléonore.
La vie de globe-trotters est décidément riche en émotions...

Lundi 16 décembre. Coyhaique.
L'avantage de se retrouver à contre sens de nombreux voyageurs ayant privilégié le sens horaire pour la découverte de l'Amérique Latine, c'est que nous bénéficions de nombreuses infos de toutes ces familles ayant exploré avant nous les terres qui nous attendent. Et tous ont été catégoriques sur un point, Coyhaique est la dernière grande ville de la Carretera Australe avant les étendues reculées du Sud où les fruits et les légumes ne sont pas monnaie courante. Alors nous écoutons leurs bons conseils et profitons de cette étape pour un arrêt technique. Plein d'eau, d'essence, achat de nourriture, passage chez le coiffeur pour Yannick et Pablo, et par la même occasion, achat de talkie-walkie : nous voilà désormais prêt pour la suite.

215km de piste en travaux et de rares sections de route asphaltées plus bas, nous repensons à cette dernière soirée passée auprès de Christophe, certains désormais que sa prière ait été entendue.
Difficile de décrire l'émotion positive que nous apporte toutes ces rencontres entre voyageurs tant elles sont fluides et naturelles, au quotidien tellement similaire malgré les différences de nos aventures respectives.
Un dernier virage autour du lac Buenos Aires, et voilà que les premières maisons de Puerto Rio Tranquilo apparaissent. Soudain, les enfants, scrutant depuis plusieurs kilomètres l'horizon, s'écrient à l'unisson : "là bas, il y a le camping-car d'Adèle et Augustin !!"
Les retrouvailles font chaud au cour, l'impression de s'être quitté pas plus tard que la semaine précédente. Nous nous réjouissons de ces quelques jours qui s'annoncent ensemble.

Le lendemain, installée avec Camille et Nico à bord de leur maison sur roues à envisager le programme des prochains jour, Pablo vient me rejoindre d'un pas pressé : "maman, il faut que tu viennes, il y a Philippine et Rémi du désert d'Atacama qui viennent d'arriver, ils t'attendent dans notre camping-car !".
À ce moment là, le dernier rayon de soleil de la journée laissait de nouveau place à de menaçants nuages... et au même instant, un message de voyageurs rencontrés au Pérou nous annonçait que nous n'étions visiblement pas à la fin de nos rencontres à venir !

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