La veille de notre départ du camping à Viña Del Mar, et
alors que nous profitions d'une dernière tisane de Boldo que Christophe était
allé nous cueillir en compagnie de Lou, ce dernier nous proposait bien
gentillement de bénir notre famille ainsi que notre camping-car avant de
poursuivre le voyage.
Très touchés par cette rare attention, nous écoutons ses
prières, bercés par la merveilleuse odeur de son huile Sainte qui s'était
répendue dans la toute la cabine.
Ce soir, il demandera à Dieu de nous éviter tout accident et
de mettre sur notre chemin de belles rencontres.
Dieu devait certainement être trop occupé à cet instant pour
pouvoir recevoir intégralement toutes ses demandes...
Le lendemain matin, passant devant la maison de Christophe,
et dès la première pierre venue sur le bas côté, nous raccrochons le bas de la
portière qui ne résistera pas à cet impact...
Mais il semble tout de même que cette prière ait été en
grande partie entendue, car depuis ce jour, une pluie de français s'est depuis
déversée sur notre route !
Vendredi 29 novembre. Après 2 jours bordés d'arbres
fruitiers et de vignobles, le décor évolue désormais vers des paysages de lacs
et de volcans aux sommets enneigés.
Arrivés à Villarrica, une charmante petite ville aux allures
boisées rappelant nos stations de ski et située sur les rives d'un lac du même
nom, nous posons nos valises au bord de l'eau, avec, en arrière plan face à
nous, le volcan Villarrica. Son sommet flirte avec les nuages, laissant planner
quelques temps le mystère de sa forme intégrale.
Cela faisait longtemps que nous n'avions pas ressenti une
telle sérénité au sein d'un bivouac, mais ici, l'atmosphère paisible de cette
petite ville et la vue exceptionnelle dont nous jouissons suffisent à nous
retenir plusieurs nuits.
Avec Yannick, nous profitons d'une après-midi où les enfants
préfèrent rester se reposer dans le camping-car pour jouer les lutins au milieu
des dizaines de petites boutiques artisanales qui composent la ville. Objets en
bois sculptés, tournés ou pyrogravés, tissages en fibres locales, réalisés
directement par les vendeurs de ces étales respectives, trouveront cette année
leur place dans la hotte atypique de ce père-Noël globe-trotter.
À notre retour au bivouac, des voisins ont pris place à nos
côtés. Nous faisons connaissance de Nathalie et Thomas, et leurs 2 filles,
voyageant eux aussi en camping-car. Toujours aussi agréable de partager nos
expériences respectives...
Parties de pêche, activités manuelles, plage et randonnée
sur le volcan Villarrica rythmeront ces 4 jours ici, sous un soleil et un ciel
bleu qui nous permettront de profiter pleinement de la géométrie triangulaire
du volcan qui domine l'horizon.
Sans grande conviction, mais avec la volonté de découvrir
les magnifiques paysages annoncés par Christophe et nos voisins Français
arrivant du Sud Chilien, nous reprenons la route en direction de la frontière
Argentine. Dans ce secteur géographique, la route des 7 lagunes fait
l'unanimité des guides et routards qui l'ont traversée.
Quelques heures plus tard, une erreur d'aiguillage nous mène
sans le vouloir à côté d'un nouveau lac immense juste avant la frontière. Ici,
les paysages nous rappellent ceux de la Norvège, dont le séjour nous avait
marqué par l'immensité et la beauté de ses étendues vertes. Il n'en faudra pas
plus pour nous retenir une journée supplémentaire au Chili !
Mercredi 4 décembre.
L'entrée sur le territoire Argentin s'est jusqu'à présent
toujours passé de manière simple et rapide, et à notre grand soulagement, ce
nouveau passage ne fera pas office d'exception pour aujourd'hui.
Passé le panneau indiquant l'entrée en Argentine, nous
sommes surpris par l'arrêt net de la route asphaltée au profit d'une piste
caillouteuse. Le contraste est brutal... dans tous les sens du terme !
Les paysages sont à la hauteur de ceux qui nous avaient été
décrits : rivières bordées de lupins aux camaïeux de violet, massifs verdoyants
avec, par endroit, des bosquets de "désespoirs des singes",
certainement protégés au point de devoir zigzaguer sur la piste qui entoure
leur tronc, et plusieurs volcans enneigés qui culminent par endroit au milieu
de ces tableaux naturels, aussi beaux que variés à chaque virage. On savoure.
Nous passons 2 jours sur un axe secondaire de la route des 7
lacs, bivouaquant chaque fois au bord de l'eau, seuls au monde dans ces
paysages de rêve. Un réel privilège.
Vendredi 6 novembre.
Au passage de la ville de d'Angostura, en direction de la
frontière Chilienne, Yannick souhaite trouver un point de WiFi afin de mettre à
jour les derniers écrits de notre site internet. Stationnés de manière
anarchique face à l'office de tourisme, nous sommes alors dépassés par un
camping-car qui profite du rond point à nos côtés pour revenir vers nous.
Stationnés eux aussi avec un style qui renvoi pour le coup une image très
désordonnée des français que nous sommes, nous étions partis pour quelques
minutes de discussion avec Rémi Mylène et leurs 3 enfants... mais resterons là
plus d'une heure, sous une pluie de klaxons des bus et des camions essayant de
se frayer un chemin entre nos véhicules. Ah ces français !
Trop tard désormais pour passer la frontière, nous décidons
de rester à Angostura pour la nuit et d'en profiter pour découvrir d'avantage
cette petite ville le lendemain matin. Mais c'est finalement à 11, et non à 4,
que nous nous baladerons ici ce samedi matin. Yohan, Sandra et leurs 5 enfants,
nos voisins Vendéens rencontrés lors de la randonnée au pied du Cero Acuncagua,
sont actuellement à San Carlos de Bariloche, une ville à proximité, et décident
de nous rejoindre ce matin le temps d'un apéritif et d'une visite partagée du
centre ville. Les enfants profitent de ces rares instants de jeux à plusieurs
et de discussions entre français, on les sent heureux.
Après cette agréable parenthèse francophone, nous reprenons
la route avec pour objectif la visite de l'île de Chiloé au Chili.
Nouveau passage de frontière. Nous avons la chance de
rencontrer un douanier dont la curiosité pour nos aventures est visiblement
plus grand que pour la fouille de notre véhicule, pendant que ces collègues
sont eux bien occupés par le match de boxe diffusé sur l'énorme écran plat
installé dans leur hangar. Nous nous réjouissons de cette scène quelque peu
surréaliste qui accélérera grandement les formalités.
Et alors que nous envisageons notre itinéraire des prochains
jours, Yannick se rend compte que la cousine de nos neveux est installée dans
une ville non loin de notre itinéraire initial... nouvelle occasion de rencontre
franco-français. Cette fois-ci, nous allons vivre une parenthèse très régionale
autour d'un broyé du Poitou cuisiné par Claire à l'occasion de nos
retrouvailles Chiliennes. On profite pleinement de ce moment qui nous paraît
irréel tant il était inconcevable de penser se voir un jour en pareilles
circonstances à l'autre bout du monde.
Le temps de quelques clichés pour la famille et nous
reprenons notre itinéraire.
Le soleil nous suit jusqu'à Puerto Montt.
Présent depuis ces 5 mois de voyage, nous nous adaptons chaque
jour aux températures plus ou moins fraîches sans pour autant porter
véritablement attention à sa présence devenue quotidienne...mais c'est au
retour de la pluie, sur l'île de Chiloe, que nous prenons soudain conscience de
son impact sur nos activités quotidiennes et notre moral.
L'île de Chiloe, connue principalement pour la beauté de ses
églises en bois, dont 16 sont classées au Patrimoine Mondial de l'UNESCO, est
aussi réputée pour son climat humide. Nous allons pouvoir confirmer cette
réputation !
Sur l'île, nous y découvrons les maisons en bois sur pilotis
caractéristiques de Chiloe, nous observons les dauphins, les manchots et
retrouvons les lions de mer qui nous rappellent les Galápagos. Nous visitons
plusieurs églises dont l'exceptionnel édifice tout en bois de la ville de
Castro nous retiendra un long moment à l'intérieur. La magnifique crèche sur
fond bleu, avec son bateau en bois, donne ici une atmosphère très spéciale aux
fêtes de Noël qui s'approchent.
Mais malgré ces 4 jours de découverte, la présence des
nuages et les averses à répétition nous engagent à prendre le ferry de jeudi en
direction de Chaiten, sans regret de prolonger notre séjour ici jusqu'au
prochain bateau prévu dimanche.
Jeudi 12 décembre.
Le réveil est difficile ce matin. Après une nuit à proximité
du port de Quellon, où nous devons embarquer à 6h, nous n'avions pas imaginer
passer une partie de la nuit, à sursauter au son des cornes de brumes et des
alarmes émises par les bateaux... les enfants eux n'ont rien entendu !
Après 2 heures d'attente pour finalement n'embarquer que
quelques minutes seulement avant le départ prévu à 8h, nous profitons des 3
heures 30 de traversée au calme de notre tortue. L'occasion parfaite pour 2
heures d'école où enfin, la géométrie peut se faire sans zigzag imprévu lors du
tracé d'une ligne droite. Les enfants apprécient !
Arrivés à Chaiten, nous débutons notre descente sur la
Carretera Australe accompagnés par une couverture nuageuse digne des temps de
Toussaint.
L'entrée du parc Pumalin, réputé comme beaucoup ici pour ses
randonnées, ne fera que nous indiquer sa présence. La masse nuageuse tellement
basse et épaisse en masque l'intégralité de ses paysages.
Nous décidons donc de privilégier les kilomètres au profit
d'autres sites de randonnée dans de meilleures conditions climatiques. Et alors
que nous roulons depuis seulement 30 minutes, un camping-car circulant en sens
opposé nous fait des appels de phares. Nous nous stationnons tous deux le temps
de faire connaissance, et passerons finalement près de 2 heures avec Cécilia,
Olivier, et leurs 3 enfants. Les hommes à bricoler sur les véhicules, les
femmes à parler école et à s'échanger livres et films sur nos disques durs,
pendant que les enfants improvisent un goûter commun... les joies des rencontres
imprévues.
Reprenant nos directions respectives, nous oublions les
kilomètres vers le sud pour aujourd'hui et bivouaquons finalement quelques
kilomètres plus loin, au bord d'une rivière à la puissance remarquable. Ici,
les gunneras ont des dimensions qui nous donnent l'impression de jouer dans le
film d'animation "Minuscule" tant la taille des feuilles est
imposante.
Nous passons une nuit bercés par le bruit de la rivière, et
aurons du mal à quitter la couette avec les nombreux cliquetis de la pluie qui
raisonnent sur notre carapace.
Après un petit-déjeuner peu enthousiaste face au temps
déplorable qui s'annonce et auquel nous avons bien du mal à nous réhabituer,
nous reprenons la route.
Tandis que nous nous arrêtons par hasard dans un village
afin d'y trouver un peu de réseau le temps d'une pause déjeuner, les sourires
reviennent subitement sur nos visages à la vue d'un camping-car qui nous est
familier. En contact régulièrement avec cette famille que nous savions dans la
région, nous espérions bien retrouver Mylène, Sébastien et leurs filles,
rencontrés la première fois en Bolivie. Les voici étonnement stationnés face à
nous. Nous voilà heureux de ses retrouvailles aussi espérées que surprenantes.
Après 3 mois de voyages depuis notre dernière rencontre dans le Sud Lipez, nous
cumulons plusieurs heures d'anecdotes à partager...
Et alors que nous débutons nos récits respectifs, un camion
américain ayant repéré les drapeaux français sur nos carrosseries, se stationne
à nos côtés. Rejoints par Pauline et Benjamin, un couple trentenaire
originaires de Bresse, les discussions vont se poursuivre entre voyageurs
jusqu'à ce que l'on regarde enfin notre montre... 20h15 ! La notion de temps est
décidément bien relative en voyage.
Nous décidons d'aller bivouaquer tous ensemble au bord de
l'eau, et finirons la soirée autour d'un repas improvisé sous les étoiles
jusqu'au milieu de la nuit.
Le froid et la pluie viendront interrompre ce moment hors du
temps que l'on reprendra dès le lendemain matin, observant, amusés, les enfants
en train de nettoyer chacun des véhicules.
Nous laisserons Pauline et Benjamin reprendre la direction
du Nord, et poursuivrons une journée supplémentaire abrités au sein de notre
camping-car en compagnie Mylène et Sébastien. L'occasion entre 2 bons plans
échangés, de se rendre compte de l'ingénieuse utilité de talkie-walkie pour
contacter, sans se mouiller, les enfants jouant pendant ce temps là dans leur
camping-car voisin... malin ces voyageurs !
Les aux revoirs évoquent désormais la fin approchant de
notre voyage en Amérique latine, et, bien que la suite soit encore une grande
équation à plusieurs inconnues, c'est désormais en France que nous espérons
retrouver les "Smile" afin de partager de nouveaux moments ensemble.
Le soleil a beau refaire quelques timides apparitions, la
pluie de larmes qui s'abat sur les joues des enfants me fend le cour et ne fait
qu'amplifier la peine d'avoir quitté nos amis.
Essayant d'aller de l'avant, on se raccroche à notre nouvel
objectif et aux superbes moments qui s'annoncent. Car en reprenant la route
vers Puerto Rio Tranquilo, nous savons que c'est désormais en compagnie de nos
amis Nicolas et Camille, rencontrés eux aussi à Sucre en Bolivie, que nous
allons partager les prochains jours et surtout, fêter Noël ensemble.
Les enfants s'attachent à cette idée et imaginent désormais
les futurs souvenirs qu'ils s'apprêtent à vivre auprès d'Adèle et Augustin.
Mais il est bien difficile pour eux de se dire que désormais, 8 mois au moins
les séparent des retrouvailles avec Léontine et Éléonore.
La vie de globe-trotters est décidément riche en émotions...
Lundi 16 décembre. Coyhaique.
L'avantage de se retrouver à contre sens de nombreux
voyageurs ayant privilégié le sens horaire pour la découverte de l'Amérique
Latine, c'est que nous bénéficions de nombreuses infos de toutes ces familles
ayant exploré avant nous les terres qui nous attendent. Et tous ont été
catégoriques sur un point, Coyhaique est la dernière grande ville de la
Carretera Australe avant les étendues reculées du Sud où les fruits et les
légumes ne sont pas monnaie courante. Alors nous écoutons leurs bons conseils
et profitons de cette étape pour un arrêt technique. Plein d'eau, d'essence,
achat de nourriture, passage chez le coiffeur pour Yannick et Pablo, et par la
même occasion, achat de talkie-walkie : nous voilà désormais prêt pour la
suite.
215km de piste en travaux et de rares sections de route
asphaltées plus bas, nous repensons à cette dernière soirée passée auprès de
Christophe, certains désormais que sa prière ait été entendue.
Difficile de décrire l'émotion positive que nous apporte
toutes ces rencontres entre voyageurs tant elles sont fluides et naturelles, au
quotidien tellement similaire malgré les différences de nos aventures
respectives.
Un dernier virage autour du lac Buenos Aires, et voilà que
les premières maisons de Puerto Rio Tranquilo apparaissent. Soudain, les
enfants, scrutant depuis plusieurs kilomètres l'horizon, s'écrient à l'unisson :
"là bas, il y a le camping-car d'Adèle et Augustin !!"
Les retrouvailles font chaud au cour, l'impression de s'être
quitté pas plus tard que la semaine précédente. Nous nous réjouissons de ces
quelques jours qui s'annoncent ensemble.
Le lendemain, installée avec Camille et Nico à bord de leur
maison sur roues à envisager le programme des prochains jour, Pablo vient me
rejoindre d'un pas pressé : "maman, il faut que tu viennes, il y a
Philippine et Rémi du désert d'Atacama qui viennent d'arriver, ils t'attendent
dans notre camping-car !".
À ce moment là, le dernier rayon de soleil de la journée
laissait de nouveau place à de menaçants nuages... et au même instant, un message
de voyageurs rencontrés au Pérou nous annonçait que nous n'étions visiblement
pas à la fin de nos rencontres à venir !