Episode 1 - AVENTURE TE VOILA


 

« Ah ba j'ai bien dormi moi ! J'avais peur d'avoir chaud avec mon haut de pyjama et d'être dérangé par les canaris mais au final : j'ai dormi comme une mule ! ».

C'est amusés par la spontanéité matinale de Pablo, et sous les crissements des perruches (et non des canaris !) que nous débutons cette première journée en Argentine.

A ce moment-là, nous sommes  loin d'imaginer que cette petite phrase, d'apparence anodine, allait être annonciatrice de la nouvelle tournure animalière qu'allait prendre notre voyage...

Hier matin, nous avons quitté Paysandù pour traverser le Rio Uruguay, empruntant alors le pont du Colonel d'Artigas que l'on observait depuis 3 jours.

Direction plein Nord.

Nous prenons l'autoroute et traversons des plaines nous inspirant la savane Africaine. La route est monotone, en pleine ligne droite, et les seules ruptures à cette monotonie verdoyante est la couleur des étales d'oranges sur les bas-côtés, à proximité des champs d'agrumes.

Installée au volant sur ce tronçon, j'ai la sensation d'être sur les traces d'une piste de ski de fond. Les ornières qui marquent le bitume sont si profondes que le moindre décalage provoque une embardée difficilement maitrisable du véhicule. Nous ne dépasserons pas les 80km/H, et 200km seront suffisants dans ces conditions.

Nous trouvons un abri sous les eucalyptus des termes de la petite ville de Chajari, et profitons de ses eaux thermales à 39°.

L'occasion de nouvelles rencontres. Nous sympathisons avec une famille Argentine en vacances d'hiver ici pour 15 jours. Ils nous invitent gentiment à les retrouver chez eux le temps d'un repas si nous sommes de passage dans leur région. Ils habitent « La Pampa », cela nous fait sourire.

Ravis de cette jolie rencontre, nous reprenons la route. Même direction, mêmes conditions.

Pour cette seconde nuit, nous trouverons refuge face à l'Eglise de la Cruz.

Alors que j'affine les opportunités de visites aux environs, la réserve « Del Ibera » commence à me faire de l'oeil. Après une rapide discussion avec Yannick, décision est prise, nous ferons cap vers l'Ouest le temps d'une escale.

Sans le savoir, nous venions de prendre un virage à 90° dans notre aventure...

Jeudi 11 juillet, nous nous engageons sur la route provinciale 36 et sommes préparés mentalement aux 95km de piste annoncés par notre GPS.

La route de terre rouge est caillouteuse et les nids de poule fréquents. Yannick est au volant, concentré sur chaque élément. Le paysage est rural. Les parcelles immenses des « asciendas » (fermes) bordent cette unique route, et les Gauchos sembleraient presque sortir de notre imaginaire tant ils se font rares.

Au bout d'une vingtaine de km à une moyenne d'à peine 18km/H, les ornières se font plus profondes, et la terre est désormais sableuse.

Malgré son poids et son élan, la butte qui apparait alors devant nous suffira à immobiliser notre tortue... la voilà ensablée.

Yannick peste contre notre décision et s'agace devant pareille scène. Les enfants et moi restons silencieux, observant avec désarroi la quantité de sable autour des roues avant.

Yannick sort deux pelles. Nous passerons 30min couchés sous le camping-car à dégager le carter et les roues. Pablo et Lou nous aident en coupant des graminées afin de contrecarrer la mauvaise adhérence du sable au niveau des roues. Trois tentatives plus tard, et malgré notre tapis de désensablement, rien n'y fait. La tortue reste statique.

L'arrivée d'une bétaillère viendra nous tirer d'affaire. En plus de nous tracter, le chauffeur nous met en garde sur l'état de la route et nous conseille de prendre un autre itinéraire.

Nous rebroussons chemin, mais gardons en tête l'idée de rejoindre la réserve.

1H30 de piste plus tard, nous laissons à nouveau le village de La Cruz dans notre sillage, et tentons notre chance par la route provinciale 114.

Cette fois, c'est 135km de piste qui nous attend.

Une fois engagés, nous avançons prudemment, km après km, et plongeons dans l'Argentine profonde, avec la sensation d'être seuls au monde.

L'incident précédent a fortement stressé Pablo, et la taille et nombre de cailloux qui nous chahutent n'arrange rien... le plan D comme DVD permettra de le faire redescendre en pression, et à Lou de se divertir par la même occasion.

Pour elle, le problème était derrière nous dès l'arrivée de la bétaillère, et il n'y a pas lieu d'en chercher d'autres alors qu'ils ne se présentent pas !

J'aime sa façon positive de voir la vie, et sa manière d'aborder les problèmes uniquement lorsqu'il s'agit d'en voir les solutions. Elle est la sérénité de cette famille, pragmatique et déterminée. Je l'admire...

Après une journée de route et de concentration extrême pour Yannick, nous nous arrêtons à 70km du but, au milieu de cette immensité de plaines, composée de parcs à vaches et chevaux tellement grands que notre oeil ne distingue pas les limites des clôtures à l'horizon.

Les brulis destinés à favoriser la fertilisation des terres sont nombreux et actifs. Nous veillons donc à bivouaquer à côté d'une parcelle déjà brulée.

Fenêtre ouverte, seule la brise viendra rompre le silence de la nuit.

Avant le départ, nous imaginions rentrer dans cette aventure à la gare de Poitiers, ou à l'aéroport de Paris. Puis, ne sentant rien venir, nous avions pensé que cela adviendrait en Uruguay... mais c'est là, maintenant, au milieu de nulle part, sur cette piste interminable d'Argentine, que nous venons de plonger dans notre histoire, aspirés par ces étendues vertigineuses, baignés par cette nature à la fois hostile et maitrisée par l'Homme, incapables de faire machine arrière au sens propre comme au figuré tant les émotions positives ne demandent qu'à nous faire avancer.

Cette journée aurait pu être vécue comme un calvaire... elle est en fait un véritable cadeau.

Après un sommeil réparateur et un petit déjeuner face à l'infini des paysages, nous reprenons la route, plus confiants que la veille face à ces éléments que nous avons eu l'occasion d'appréhender.

A peine le moteur démarré, un coyote traverse devant nous. Emerveillés, nous resterons tous les 4 dans la cabine de conduite à scruter le paysage.

Plus loin, le balai des oiseaux, tous aussi majestueux les uns que les autres, débute sous nos yeux. Les km défilent désormais sans que l'on en décompte chaque dizaine pour se donner du courage.

Soudain, Lou s'écrit : « stop papa ! A gauche un crocodile !! »

La première vision de ce caïman sur le bas-côté de cette piste restera un souvenir indéfectible. Avec une brillance et une statique laissant croire à un objet en plastique, il est là, sous le soleil, attendant sans doute une proie, ou digérant peut-être la précédente.

Nous poursuivons.

Les derniers 30 km qui nous séparent de la réserve vont être incroyables. Le nombre et la diversité d'animaux rencontrés nous laissent dans un état d'euphorie croissante qui se maintiendra jusqu'à la fin de la journée. Malgré nos 20km/H de moyenne, cette dernière portion de piste passera à une vitesse phénoménale.

Nous laissons sur le côté le panneau d'entrée de la réserve, et apercevons les rives de la lagune. L'étroit pont de bois qui permet de rejoindre le village de Colonia Carlos Pellegrini marquera la fin de ces deux jours de route.

Nous profiterons de la fin d'après-midi pour nous balader au coeur des chemins aménagés... et poursuivre la découverte de cette nature sauvage et préservée. Instants privilégiés et mémorables.

Nous avons laissé notre vie d'avant en France il y a 15 jours seulement, pourtant, le bouleversement de ces 2 jours passés est si intense que cette nouvelle vie de nomades nous parait déjà installée depuis longtemps...

Les singes hurleurs que nous venons d'apercevoir dans les feuillages accompagneront nos deux nuits à venir. Et c'est à dos de cheval, ou jouant avec les 3 filles d'une famille de voyageurs Français comme la nôtre que les enfants noteront leurs derniers souvenirs dans cette partie de l'Argentine.

Demain, 203km de pistes nous attendent pour rejoindre Posadas où nous sommes censés écrire la suite de notre histoire... à moins que nous ne changions d'itinéraire d'ici là !

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