13 Aout 2019
Episode 5 - Le Sud Lipez - aux petits oignons



 

Depuis le débit de ce voyage, les seules larmes qui ont perlé sur nos joues étaient dues à l'acide sulfénique très puissant dégagé par les oignons achetés en Uruguay puis au Paraguay. Mais ce matin, alors que nous nous apprêtons à partir à la découverte du Sud Lipez, c'est la lecture de la presse locale du Poitou qui soudain nous fait monter les larmes aux yeux. Notre « Doc », Arnaud, celui qui veillait sur nous à distance, vient de s'éteindre subitement. Nous sommes sous le choc. Et l'espace d'un instant, nous sentons tels des orphelins.

A peine le temps d'envoyer quelques messages de soutien à ses proches, et voilà que notre 4x4 nous attend.

En parallèle, avant de quitter l'hotel, nous espérions recevoir des nouvelles de notre garagiste Français quant à l'enlèvement de la pièce d'embrayage programmée pour aujourd'hui, mais rien.

C'est donc inquiets et tristes que nous nous présentons à Johny notre guide, et Nancy, l'aide cuisinière, qui vont nous accompagner pendant ces 4 prochains jours.

Dès la sortie de Tupiza, nous prenons conscience avec Yannick qu'avec notre tortue, jamais nous n'aurions pu accéder à ces magnifiques paysages qui se dessinent progressivement sous nos yeux. Le temps est nuageux et gris, à l'image de notre moral, mais dès les premiers kilomètres, nous sommes transportés dans un autre monde.

Ici, les roches rouges prennent un relief façonné par les pluies, jouant ainsi avec le soleil en alternant ombre et lumière.

Rongée par les émotions, je laisse défiler cette matinée sans pouvoir en apprécier pleinement la richesse de tous ces paysages...

Alors que le soleil fait son apparition, l'heure d'un premier arrêt et d'une pause déjeuner ont sonné. Et alors que je m'apprête à descendre du 4x4, Lou s'écrit : « Oh regardez ! C'est Solène et Benjamin ! ». Incroyable destin... face à nous, au milieu de ce village perdu du Sud Lipez, nous avons la surprise et la joie de retrouver ce couple de back-packers rencontré furtivement lors de notre arrivée à la réserve Del Ibera en Argentine, alors qu'ils cherchaient un auto-stop pour poursuivre leur route.

Décidément, ce voyage n'a pas fini de nous étonner...

La vision de ces visages familiers nous apporte un peu de baume au cour et allège en partie notre peine en nous permettant de nous sortir de nos pensées mélancoliques. Après le repas, nous cherchons le moindre signal internet et espérons des nouvelles du garage... mais toujours rien. Préoccupés, nous finirons par envoyer un message aux parents de Yannick et à un ami afin qu'ils puissent jouer les intermédiaires.

Les premiers lamas et groupes de vigognes font leur apparition pour le plus grand bonheur des enfants qui découvrent pour la première fois ces espèces dans leur habitat naturel.

Les formations géologiques de la « Ciudad del Encanto » nous plongent dans une grande humilité. Face à ces immenses roches sableuses formées au fil des années et de la succession des précipitations. Que la nature est belle...

Partagés par l'attente de nouvelles de France et l'émerveillement que nous procurent les paysages parcourus, nous achevons cette première journée.

Arrivés à notre premier hébergement, le message de notre ami vient enfin nous enlever un gros poids : la pièce est partie. C'est avec un grand soulagement que nous accueillons cette bonne nouvelle.

Ce soir, à 4200m d'altitude, dans une chambre entre 0° et 5°C, blottis dans nos sacs de couchage doublés de polaire, nous sommes plongés dans une expérience qui va sans doute nous marquer un bon moment. Mais elle a pour bénéfice de nous reconnecter avec le moment présent et notre aventure familiale exceptionnelle.

Le lendemain, nous commençons cette seconde journée aux aurores et dans le froid saisissant de ces montagnes. Le réveil à 6H30 est quelque peu difficile, mais la perspective du programme annoncé la veille par Johny nous réjouit d'avance et suffit à nous donner l'énergie nécessaire pour affronter ces conditions inhabituelles et rudes pour notre organisme.

Le volcan d'Uturuncu domine les paysages traversés ce matin, et dès les premiers rayons du soleil, nous sommes subjugués par la beauté et la diversité de cette nature sauvage.

Dans le musée des Arts Indigènes à Sucre, nous avions découvert la diversité des teintures utilisées pour les textiles. Mais ici, pas question de racines de plantes, de pelures d'oignon, ou encore de cochenilles écrasées. La nature nous dévoile une palette de couleur incroyable dans laquelle l'Homme n'a pas besoin d'intervenir. Fer, argent, borax, sel, souffre, cuivre, et même cyanure... tels sont les nombreux éléments de cet extraordinaire nuancier qu'elle nous offre la chance de contempler.

Après avoir pu observer un premier groupe de flamants rose, nous traversons le désert de Dali avant d'atteindre le « Laguna Verde » et le « Laguna Blanca ». Séparés de quelques centaines de mètres, leur composition minérale leurs donnent une couleur à l'opposé qui nous laisse sans voix.

Plus loin, Lou et Yannick profiteront des eaux thermales naturellement chauffées à 38°C, au milieu d'un paysage de lagune qu'avec Pablo, nous ne nous lassons pas d'observer, loin de la foule regroupée autour des sources chaudes.

Après un repas au sein d'un restaurant dominant ce paysage thermal, nous nous dirigeons ensuite vers un site constitué de nombreux geisers de souffre. Ici, nous sommes transportés sur une autre planète. L'odeur d'oufs pourris nous incommode autant qu'elle participe à notre dépaysement. Les eaux boueuses grises bouillonnent et les geisers produisent une fumée parfois si intense et si dense qu'elle crée un rideau blanc opaque au milieu de cette étendue lunaire. Incroyable...

L'après-midi s'achèvera par la visite du « Laguna Colorada ». perché à 4300m d'altitude, à côté de montagnes constituées de roches volcaniques noires qui en font d'autant plus ressortir sa palette de couleurs, nous passerons près d'une heure à s'extasier devant ce tableau naturel qui ne trouve aucune référence dans notre passé de voyageurs. Noir, jaune, vert, rose, bleu, blanc se mêlent ici au pied des milliers de flamants rose qui profitent d'une nourriture abondante et appropriée à leur développement et leur reproduction.

Dans la voiture, Johny nous partage une somme étonnante d'informations sur cet environnement jusqu'alors inconnu.

Aux petits oignons, nous nous laissons porter par le programme de cette équipe de « La Torre Tours » et profitons pleinement de cette expérience, qui, bien que fatigante, nous offre des moments d'exception dont nous avons pleinement conscience.

Le soir, au calme de ce second hébergement plus chaud que celui de la veille, nous apprenons que notre pièce a désormais traversé l'Atlantique et est en transit à Miami. Ça progresse...

Perchés à 3900m, l'altitude et la fatigue nous malmènent quelque peu, et ce soir, Lou, Yannick et moi sommes dérangés par des maux de tête inhabituels qui nous ramènent au passage au souvenir nostalgique de notre « Doc »...

3ème jour. Malgré une nuit ressourçante, les maux de tête ont du mal à nous quitter. Le soleil est présent dès le petit matin, et les images aussi irréelles qu'envoutantes de la journée précédente nous donnent envie de poursuivre nos découvertes de ce Sud Lipez.

Après une halte auprès du rocher « La Copa del Mundo », nous découvrons le canyon de la vallée de Las Rocas. Perchés sur un rocher qui surplombe le vide, notre attention sera surtout captée par la sécurité de Lou et Pablo à proximité de ces précipices... mais qu'est-ce que c'est beau !

Juste après, le « Laguna Negra » nous offre un moment hors du temps. Ayant pris de l'avance sur les autres groupes, nous avons le privilège de profiter un long moment de cet environnement baigné d'un silence propice à la méditation et à la contemplation.

Ici, les oiseaux, curieux, finissent par s'approcher de nous, nous offrant ainsi l'occasion de les observer comme il est rarement possible. Joli cadeau de Dame Nature...

Lors de cette journée, les paysages rocheux vont rythmer les kilomètres qui commencent à se faire importants puisque nous en parcourrerons environ 1200 pendant ce séjour.

En fin d'après-midi, nous nous installons dans le charmant et atypique hôtel de sel qui borde le Salar d'Uyuni. Constitué uniquement de briques de sel, il présente une atmosphère chaleureuse et accueillante qui une fois de plus nous propulse dans un autre monde, bien loin de notre quotidien.

Ce soir, nous allons vivre un moment attendu depuis les préparatifs de notre voyage : nous allons pour la première fois fouler le sel du Salar... et profiter du coucher de soleil. Moment d'exception.

Nous profiterons de ce dernier dîner à partager les anecdotes de voyage d'une famille Parisienne en vacances au Pérou et en Bolivie, et à découvrir d'avantage la vie de Maria, cette cuisinière bienveillante et attentionnée qui nous a concocté tous nos repas pendant ce séjour.

4ème jour. Alors qu'à 5H le réveil nous tire d'un sommeil profond, l'excitation du lever de soleil sur le Salar active toute la famille, et dès 5H30, nous prenons la direction de l'Ile aux Cactus, impatients de profiter de ce moment d'exception. Après un petit effort, nous arrivons tout en haut de cet îlot rocheux recouvert de multiples et impressionnants cactus. Il fait froid. Mais nous profitons pleinement de cet instant magique.

Face à nous, l'étendue blanche du Salar s'étire jusqu'à l'horizon où elle accroche au loin quelques collines. 

La lumière s'intensifie et donne à l'horizon une couleur orange qui illumine de plus en plus le Salar... quelques minutes encore, et tout à coup, le halo lumineux puissant du soleil réchauffe immédiatement l'atmosphère et nous dévoile par la même occasion un spectacle extraordinaire.

Nous resterons plus d'une heure malgré le froid saisissant à s'imprégner de cette atmosphère féerique, et ce paysage magique.

Il nous faudra plusieurs heures à traverser ce désert de sel recouvert de milliers d'hexagones blancs avant de réaliser cette nouvelle étape que nous venons de vivre dans notre voyage. Comme Iguazù, le Salar d'Uyuni faisait parti des grandes étapes de notre aventure, et une fois encore, il est difficile de conjuguer ce moment au passé. Mais que d'émotions positives nous venons de vivre durant ces 4 jours...

Après une dernière halte au cimetière des trains d'Uyuni, nous reprenons la direction de Tupiza, où nous retrouverons la « Casa del Baron », une charmante maison qui accueille des voyageurs comme nous sommes.

Mardi dernier, c'est remplis d'émotions négatives que nous quittions cet établissement, mais au retour de ces 4 jours hors du temps,  alors que nous traversons la terrasse pour rejoindre notre chambre, il ne faut pas longtemps à Lou et Pablo pour remarquer le camping-car estampillé Icidor avec un drapeau Français garé juste au-dessus de la maison. C'est bien celui de la famille « Smile » rencontrée à Sucre la semaine dernière.

A peine quelques minutes après notre installation, nous avons plaisir à les retrouver et partager autour d'un dîner improvisé les nouvelles anecdotes de ces derniers jours.

Et ce soir-là, une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, nous apprenons par Julio le mécanicien de Sucre, que notre pièce d'embrayage vient de passer la douane et qu'elle devrait être livrée dès ce lundi.

Nous sommes heureux de partager ce petit moment de bonheur et de soulagement avec Mylène et Sébastien. Ce soir, Lou ira même jusqu'à nous dire à nouveau que « c'est génial ce voyage ».

Après avoir fait l'oignon pendant 4 jours à superposer les couches de vêtements pour lutter contre le froid, nous retrouvons une douceur presque estivale. Le cour léger, nous passerons la journée de samedi à profiter du calme de la maison et d'une balade dans Tupiza en compagnie de Mylène, Sébastien, et leurs filles. Une jolie parenthèse avant de reprendre le cours de notre aventure familiale.

Cette fois nous quittons Mylène et Sébastien sans savoir si le destin nous réunira à nouveau en Amérique du Sud ou désormais en France, mais le bilan de cette semaine passée est si positif que désormais, nous reprenons le cours de choses, débarrassés de l'incertitude et de la mélancolie que nous laissons à Tupiza.

Sucre sonne désormais comme une transition vers la suite de notre aventure, et il nous tarde désormais de pouvoir en écrire la suite.

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